Après un premier épisode inégal et une suite plus surprenante, la saga "Captain America" continue à se bonifier avec ce troisième volet, de très honnête facture… même si on ne peut pas vraiment dire qu’il s’agit vraiment d’un épisode à part entière consacré au héros à la bannière étoilée. Car, sauf à être totalement étranger au Marvel Universe, il est difficile de ne pas se dire qu’on ne se trouve tant devant "Captain America 3" que devant "Avengers 3" ! Le studio a, d’ailleurs, tout fait pour brouiller les cartes, de l’affiche qui met l’accent sur l’énorme sous-titre "Civil War" au détriment du "Captain America" (au point que personne n’appelle le film autrement !) à l’histoire qui fait la part belle aux distensions au sein du groupe en passant, bien évidemment par l’incroyable casting réuni pour l’occasion. Ainsi, là où les autres films solo s’autorisaient, tout au plus, l’apparition d’un ou deux autres Avengers (la plupart du temps sous forme de caméo), "Civil War" réunit la quasi-totalité de la bande
(seuls manquent à l’appel Thor et Hulk)
et leur accorde un temps de présence plus qu’appréciable. On retrouve, donc, autour de Chris Evans en Cap intronisé rebelle en chef, Robert Downey Jr. en Iron Man en pleine crise existentielle (son personnage étant définitivement celui qui bénéficie du plus grand souci d’écriture de la saga), Scarlett Johansson en Veuve Noire prise entre deux feux, Sebastian Stan en Bucky de plus en plus intéressant (on est loin de sa première apparition falote), Anthony MacKie en Faucon toujours aussi fidèle à Cap, Don Cheadle en War Machine, Jeremy Renner en Œil-de-Faucon, Elizabeth Olsen en Sorcière Rouge, Paul Bettany en Vision ou encore Paul Rudd en Ant-Man. Bref, "Civil War" est une énorme machine faite pour cartonner (ce que le film n’a pas manqué de faire d’ailleurs) et représente, à ce jour, la plus grosse réunion de super-héros vu à l’écran (en attendant les derniers "Avengers"). Et le risque était grand de voir Marvel commettre les mêmes erreurs que pour le poussif "Avengers 2" qui, derrière sa multiplicité de personnages et se cascade de séquences explosives, n’avait, finalement, pas grand-chose à raconter. Dans "Civil War" (qui est une adaptation d’un des meilleurs comics Marvel), le sujet est réellement intéressant et, surtout, est plutôt bien exploité. Le scénario traite, ainsi, des dommages collatéraux provoqués par les interventions des super-héros (soit un sujet ô combien moderne) et de leur opposition idéologique suite à un projet de mise sous tutelle gouvernementale des Avengers. Le sujet est, ainsi, étonnement, mature pour un film plutôt destiné à un jeune public et "Civil War" a l’intelligence de rendre acceptable la position de chaque camp. Il est, d’ailleurs, difficile de sortir du film avec un avis tranché sur la question, ce qui est un véritable coup de force. Le scénario permet, du reste, de densifier le caractère des personnages, à commencer par Tony Stark, qui montre des failles inédites ! Dommage, cependant, que les questions posées par ce projet passent un peu en second plan au profit de
l’intrigue sur l’instigateur du complot impliquant Bucky (et qui mènera à l’affrontement des Avengers entre eux).
Les motivations de
ce fameux Zemo (joué par Daniel Bruhl)
sont, en effet, assez prévisibles et, surtout, pas à la hauteur de l’enjeu. Il aurait, d’ailleurs, été plus audacieux de se passer de méchant dans ce film… ce qui aurait rendu l’affrontement encore plus tragique. "Civil War" a, cependant, plus d’un atout dans sa manche, à commencer par l’introduction de nouveaux personnages très réussis, tels que Black Panther (campé par le classe Chadwick Bossman) et, surtout, le très attendu Spider-Man (joué par Tom Holland) qui réintègre enfin la maison-mère. On ne peut, à ce titre, que saluer la présentation du personnage (épuré de son passé déjà trop vu dur grand écran), son look très fidèle aux comics et surtout ses excellents dialogues qui renouent avec l’essence même du personnage. Il s'empare de certaines des meilleures scène du film... au point qu'on attend, désormais, ses films solo avec impatience (ce qui ne paraissait pas gagné d'avance!). "Civil War" parvient, également, à parfaitement conclure son histoire en évitant le piège idiot du
parfait happy-end (avec réconciliation générale) auquel il semblait promis
et laisse entendre que
l’affrontement laissera des traces
. Enfin, la baston tant attendue dans l’aéroport tient toutes ses promesses et devrait rester dans les annales du genre…
tout comme l’affrontement final entre Captain America et Iron Man qui surprend par son âpreté
. Pour autant, Marvel ne signe pas un sans-faute et persiste, même, dans ses défauts devenus inhérents à la saga depuis quelques années. On n’échappe dons pas à la mise en scène dépourvue d’aspérité des frères Russo (qui confirment leur statut d’honnêtes yes men), au trop plein de séquences explosives au détriment du fond et à une durée franchement déraisonnable, alourdie de surcroît par un certain nombre de scènes qui auraient mérité d’être un peu mieux découpées. II manque, ainsi, à ce "Civil War" un petit supplément d’âme pour prétendre au statut de petit bijou qu’il aurait pu être (une BO enfin marquante, par exemple). Mais c’est sans doute trop espérer au vu de l’énorme machine qu’est devenu le Marvel Universe et qui, force est de l’admettre, réussit l’exploit, de film en film, de respecter un cahier des charges ultra-contraignant en proposant un spectacle de haute tenue et en faisant avancer l’histoire ! Rien que pour ça, cette énorme saga restera dans l’histoire…