Comment ne pas voir un film dont les critiques sont dithyrambiques ! Nous n'avons pas voulu les lire avant, trop curieuses de découvrir par nous-mêmes Le Prix du Scénario du Festival de Cannes 2013, un must des sorties de cette fin d'année.
Ce film, ou plutôt quatre épisodes apparemment sans rapport entre eux, est basé sur des fait réels. Étonnant que Jia Zhang-Ke ait pu le tourner puisqu'il décrit une Chine où il ne fait pas bon vivre.
Tout le long du film, il dévoile les contrastes, les contradictions et les failles de ce pays en pleine mutation : la Chine rurale face à une industrialisation déshumanisante avec les nouvelles megacities et la masse de travailleurs nomades, confrontés à la dureté d'un néo-capitalisme contrôlé par l'état. Les scènes avec les mineurs traduisent une terrible misère.
Et une Chine moderne et citadine, sa jeunesse avec les mêmes goûts, mêmes marques, portables et tablettes que celle de chez nous : on serait presque tenté de se demander si Apple ne serait pas un sponsor...non, il n'y a certainement pas meilleur symbole de l'occidentalisation !
Mais il y a aussi une oligarchie extrêmement riche, "équipée" de tous les signes occidentaux de richesse comme le sac Chanel, les lunettes Ray-ban, ces mêmes chinois que nous retrouvons à Paris dans les magasins des grandes marques du luxe international.
L'oligarque du film justement, considéré comme un traitre par les mineurs, se fait tuer dans sa belle Maserati - les taches de sang sur le cuir orange créent un tableau d'une beauté dérangeante, une scène tarantinesque ! Nous retrouvons une violence crue comme dans un western à la Tarantino, il y a même un peu de son humour noir. Les règlements de compte brutaux et sans nuances dans le film sont logiques, et un moyen spectaculaire de dénoncer l'injustice, l'humiliation permanente et la corruption.
Les quatre personnages vivent dans une incroyable solitude, le mineur, seul dans sa révolte contre la corruption, le travailleur migrant, sans but dans sa vie, l'hôtesse en manque d'estime et de respect et le jeune travailleur qui se sent exploité et perdu. Le désespoir va les pousser à des gestes extrêmes.C'est l'arme finalement, qui sera le dénominateur commun entre ces personnages : elle va leur permettre le seul et unique geste possible pour se libérer !
Heureusement, et comme pour contrebalancer le constat d'une société à la dérive et en faillite morale, il y a quelques scènes de théâtre traditionnel, belles et colorées qui nous rappellent que la Chine a encore souvenir de ses racines. C'est la scène de la fin qui donne une toute petite note d'optimisme : une scène d'un opéra chinois joué dans la rue, elle raconte l'histoire d'une jeune femme arrêtée pour meurtre, mais qui réussit à retrouver sa liberté.
Ce n'est certainement pas un film de Noël, il est trop loin du Kitsch ambiant. Mais quel film !