Pas grand chose de neuf sous le soleil (enfin, sous la brume irlandaise, plutôt) dans "Jimmy's Hall" : de l'humanisme, de l'humour, des injustices... bref, du Ken Loach pur jus, plaisant mais pas spécialement bouleversant non plus. Pourtant, je ne sais pas si c'est parce qu'il s'agit, comme il le proclame, de son dernier film mais il s'en dégage aussi comme un parfum de nostalgie, avec une pointe de renoncement. Le renoncement ou le découragement, c'est dans le destin de ce Jimmy Gralton (Barry Ward, gros, gros charisme), héros local, ordinaire, qui aurait pu devenir un martyr de la cause qu'il défend mais qui finalement n'aura laissé dans l'histoire de son pays -de son comté, même- qu'une petite empreinte posthume, 80 ans plus tard, à travers ce film, justement. La nostalgie, c'est dans le portrait de cette Irlande intemporelle qui pue à la fois l'authentique et la carte postale (les vertes contrées, les tourbières, les toits de chaume, les prénoms gaéliques, la musique celtique, la religion catholique... z'ont juste oublié les torrents de Guinness !) et dans l'évocation de cette époque où les classes laborieuses se réunissaient pour chanter, danser, lire, échanger leurs impressions et leurs points de vue sur la poésie ou la politique. Quand on voit aujourd'hui ces mêmes classes populaires désunies, confinées chez elles devant les programmes de téléréalité, pfff... Autrefois, les dominants s'appuyaient sur la force, la superstition religieuse ou l'ignorance des dominés pour asseoir leur pouvoir et prévenir la contestation. Les cons ! il leur suffisait juste d'inventer le concept des "Ch'tis" pour être peinards... Passons. La nostalgie, on la retrouve aussi dans les amours contrariées de Jimmy et Oonagh (Simone Kirby) même si ce n'est pas vraiment le segment le plus réussi du film : certes, leur scène de danse silencieuse est très belle mais son éclairage "clair-de-lune" un peu forcé m'a méchamment fait penser à "Dirty Dancing". Forcément, avec ça en tête, on apprécie moins... Par contre, on apprécie beaucoup plus le final slaptsick avec juste ce qu'il faut de course-poursuite et de flics ridiculisés, là aussi une autre forme de nostalgie. Mais ce sentiment général de nostalgie et de découragement, même s'il l'emporte au final, est contrebalancé par le militantisme du scénario, pas toujours maîtrisé. Le très engagé Paul Laverty nous fait son petit discours habituel (avec notamment une scène de parlotte participative confuse, dans la lignée de celles de "Land and Freedom", mais en beaucoup moins intéressante au niveau des enjeux) et s'évertue souvent à faire des parallèles rarement subtils, parfois justes, parfois maladroits, entre les années 30 et l'époque actuelle, notamment à travers la situation de la jeunesse. Là non plus, le film ne convainc pas plus que ça, le personnage de Marie O'Keefe (Aisling Franciosi, jolie mais un peu nunuche) sur lequel se focalise Ken Loach dès qu'il est question des jeunes, se contentant d'arborer un sourire niais et inexpressif en toutes circonstances. Autant dire qu'on est beaucoup plus enthousiaste et beaucoup plus convaincu devant le discours anticlérical du film que devant son discours anticapitaliste. Sans doute parce que là, le combat n'est pas forcément perdu d'avance.