Nanni Moretti n'est pas l'acteur principal de son film, mais a fait de Margherita Buy son double, dans un rôle de réalisatrice tourmentée. Il renoue même, par ce biais, avec son goût pour l'autofiction, en nourrissant son scénario d'éléments autobiographiques - lui qui a perdu sa mère en 2010, en plein tournage de Habemus Papam - et de considérations très personnelles sur le cinéma, les acteurs, etc. Le résultat est de qualité, écrit avec intelligence et sensibilité. La construction narrative, centrée sur le personnage de Margherita, alterne habilement les séquences de vie personnelle et de vie professionnelle, ce qui permet de jongler avec les tonalités et d'éviter de plonger dans un pathos pur : les péripéties comiques du tournage (autour du personnage d'acteur incarné par John Turturro) sont des respirations bienvenues dans un récit essentiellement dramatique. Autre intérêt de la construction narrative : son heureux maillage d'actions présentes, de flash back, de rêves et de rêveries, qui traduit bien la confusion du personnage central, en proie au stress, au doute, aux questions existentielles autour de son ego et de sa relation aux autres, de son rapport à la vie et à la mort, de sa vision de la filiation... Autant de pensées complexes, exprimées avec simplicité, fluidité, émotion. Pas de grande originalité sur le fond, mais le regard de Moretti est toujours juste, en équilibre entre empathie et distance critique. Un regard qui laisse l'impression d'une belle maturité, posée et douce.