Zhang-ke nous avait subjugué début 2014 avec l'explosif A touch of sin. Film jamais montré en Chine à ce jour...Il récidive en moins violent, mais avec une réussite autant convaincante dans le genre romance.
Il tourne en partie dans sa ville natale, un petit village de 350.000 habitants, du coup, on peut trouver des endroits qui ne sont pas bourrés d'une foule compacte! Il fait tourner sa femme, Zhao Tao, insouciante, libérée à l'image de son pays dans les années 90, héroïne involontaire d'un triangle amoureux à trois qui ne peut tourner rond...par définition.
Zhangke a écrit le scénario et parle probablement un peu de lui, des tensions énormes qui traversent une Chine en plein mutation, et qui ne font que commencer: migrations internes ou émigration vers l'Australie, réussite capitaliste ou vie campagnarde, populations qui ne parlent pas la même langue (les sous-titres peuvent nous faire oublier que si nous on comprend tout, ce n'est obligatoirement le cas entre certains des protagonistes!). Ses acteurs sont épatants, il les cajole et leur fait donner le meilleur d'eux-mêmes.
Film sur l'amour filial, sur l'amour tout court, sur le temps qui passe. Les thèmes sont universels, et par certain coté, la vie quotidienne des chinois ne nous parait plus si mystérieuse.
Zhangke est un créateur, ose des oppositions fortes entre musiques discos et ritournelles traditionnelles, et nous change le format de la pellicule durant le film (pour élargir notre vision?), insère des extraits de films qu'il a tourné il y a quinze ans en Chine.
Derrière l'histoire, il y a des signaux à découvrir, des interrogations restées en suspens, une vraie mine ( pas de charbon celle là!) qui donne au film une solide structure et on comprend mal qu'il soit passé à coté du palmarès à Cannes cette année. A l'inverse de Dheepan, je lui souhaite de survivre à l'épreuve du temps, il le mérite largement.
"Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà" disait Pascal, voilà qui s'applique aux montagnes de la province du Shanxi. Allez voir ce qui se passe de l'autre coté de la muraille, vous ne le regretterez pas.
Décembre 15
Deuxième vision en petit écran. je ne retire rien à la première impression, sauf à souligner la grande palette d'expression de Tao Zhao: décidement une très grande actrice, qui crève l'écran durant la première partie. Un film de garde, décidément.- TV2 septembre 2019