Annihilation
Voilà un titre éponyme qui résume parfaitement les thèmes abordés dans cette adaptation du roman cérébral de Jeff VanderMeer.
Alex Garland, déjà derrière les scénarios de la Plage, Sunshine, Never Let Me Go,Dredd ainsi que de sa première et précédente réalisation (l'excellent Ex Machina), revient dans le genre SF pour nous compter l'histoire de Lena, une biologiste qui retrouve son mari 1 an après qu'il soit parti entreprendre une mystérieuse et obscure expédition militaire.
Constatant des changements psychologiques ainsi que pathologiques chez Kane, son mari joué par un Oscar Isaac qu'on ne présente plus, Lena se retrouve embarquée au complexe militaro-scientifico-médical Southern Reach, où le Dr Ventress (Jennifer Jason Leigh) lui explique qu'un phénomène d'origine inconnu (répondant au doux nom de "The Shimmer"alias le Miroitement) s'est répandu tel une brume voilée phosphorescent avec comme épicentre un phare.
Intégrant une équipe de femmes comprenant Anya Thorensen, une secouriste paramedic (jouée par la très charismatique Gina Rodriguez révélée dans "Jane the Virgin" et qui livre sa meilleure performance ici), Josie Radek, une physicienne (une Tessa Thompson très convaincante encore une fois), Cass Sheppard, une géologue (interpr^étée par la très jolie actrice suédoise Tuva Novotny, vue récemment dans Borg/McEnroe) ainsi que le Dr Ventress, la psychologue, Lena va va tenter de découvrir l'origine du phénomène et également trouver des réponses sur l'état de son mari, en pénétrant dans cette zone appelée l'Area X.
Je n'en dirai pas plus (pour évidemment ne rien spoiler pour ceux qui veulent découvrir le film ou qui ne connaissent pas le matériau de base) et essayerait d'être aussi vague que possible.
Alex Garland a réalisé un des meilleurs films de SF depuis ce début du XXIe sicèle : c'est superbe visuellement, le casting est parfait, la réalisation est maîtrisée, l'ambiance pesante et mystérieuse est travaillée, la narration est extrêmement fluide, et surtout le sound design qui est exceptionnel (mention spéciale à Ben Salisbury et Geoff Barrow, déjà derrière l'OST d'Ex Machina
Privilégiant un rythme lent (mais pas long) afin de transcrire la durée et les errements des membres de l'expédition, on est tenu en haleine pour découvrir chaque élément constitutif de ce No Man's land , souvent étrange mais jamais balancé au hasard, et avec un vrai ancrage scientifique.
Empruntant à la fois à "La Couleur tombée du Ciel" de H.P. Lovecraft, "Stalker" ou Half-Life, Annihilation est un récit de SF où le questionnement intérieur et humain prime sur le reste. C'était déjà le coeur du roman (bien que dans le film je dois dire),mais Alex Garland arrive à donner de l'épaisseur à chaque personnage féminin, où chacunde leurs dialogues est authentique et surtout participe aux thèmes du film.
L'annihilation, la cancérisation, l'auto-destruction, le changement, la division mitotique cellulaire,la mutation génétique :autant de thèmes présents et parfaitement imbriqués au sein du récit, allié au passif ou tempérament des personnages, comprenant des caractéristiques touchant aussi bien au mariage, à l'infidélité, à l'addiction, au deuil ou la mort.
Ainsi, Alex Garland a su s'approprier cette histoire pour en tirer un 2e niveau de lecture (qui ne sera probablement pas perçu par tout le monde, et le tout est porté par une Natalie Portman qui embrasse complètement son rôle de femme forte et déterminée.
Entre scènes d'exploration, de découverte, de paranoïa, de questionnements, de survie face à des menaces directes, Annihilation est passionnant, et certaines scènes sont tout bonnement génialissimes, à l'instar de la découverte d'une base militaire évacuée recélant des indices sur le sort de la précédente expédition (avec une séquence vidéo extrêmement Lovecraftienne),ou encore les 15 dernières minutes du film, d'une beauté et d'une viscéralité rare,allant presque sur les plate-bandes d'un H.R. Giger.
Et là encore, l'aspect sonore prodigieux du film réhausse le tout, conférant à certaines séquences un aspect de rêve éveillé bien sombre et envoutant.
Si seulement un final moins expéditif et classique avait été réalisé, ainsi qu'un film plus long, une ambiance encore plus pesante et malaisante ainsi qu'un sentiment d'angoisse et de paranoïa plus marqué avaient été appliqués, j'aurai donné la note maximale à cette petite pépite, qui comporte néanmoins quelques passages chef-d'oeuvresques.
A noter également un caméo de Sonoya Mizuno (déjà présente dans Ex Machina).
Malgré ça, Annihilation prouve qu'Alex Garland reste mon scénariste préféré du genre encore aujourd'hui, et qu'allié à un récit maîtrisé, un casting top-notch et une direction artistique irréprochable, le cinéma de SF a encore des choses à montrer.
Un excellent film de science-fiction, merci Alex Garland.
4.5/5