À quoi cela rime-t-il, de remplacer, par un faux titre anglais, générique et imprécis, un autre titre anglais, « Ballet boys » dont le sens s’en trouve ainsi amoindri ? Tous les « dancers » ne désirent pas se consacrer au ballet classique, comme les trois garçons du film.
Lukas Bjørneboe Brændsrød, Syvert Lorenz Garcia et Torgeir Lund sont trois collégiens norvégiens, âgés de quatorze ou quinze ans au début du film, et que le réalisateur a suivis durant quatre ans – on les voit mûrir, surtout le premier, le plus beau, le plus déterminé, le plus doué, le seul qui sans doute va réussir. Leur passion ? La danse classique. Enfin des jeunes qui ne rêvent ni de rap ni de hip-hop, cette exhibition où l’on danse... sur la tête. Eux fréquentent le même collège et suivent des cours de danse, dans une classe de cinq élèves, pour entrer à l’Académie de ballet d’Oslo. Après une audition à Londres où ils réussissent tous, Lukas postule pour diverses écoles européennes, dont le prestigieux Royal Ballet School, à Londres. Il est admis. Les deux autres ne se sont présentés nulle part et ne se font pas trop d’illusions.
Mais un triple problème se pose alors : moral, matériel et sentimental.
Le problème moral réside en ce que,
si Lukas quitte Oslo, sa classe sera réduite à quatre élèves, et donc sera supprimée
. Un sale coup pour ses camarades, auxquels il est très attaché. Le problème matériel est causé par les questions d’argent : l’admission au Royal Ballet coûte... quarante mille euros ! Sa famille n’a pas cette somme. Décrochera-t-il une bourse ? On ne le saura pas. Enfin, le problème sentimental est évident : il lui faudra quitter famille et amis pour aller vivre en Angleterre. Mais il accepte le contrat et part. On se doute que, doué comme on l’a vu auparavant, il réussira.
Ce film est le contraire de « Whiplash » et n’a rien à voir avec « Les chaussons rouges » : aucun conflit, et la ténacité des garçons, surtout Lukas, ne vise qu’à s’accomplir dans leur passion, même si l’un d’eux,
Syvert, abandonne momentanément avant de revenir, puisque rien d’autre ne l’intéresse vraiment
.
Certains spectateurs ont regretté qu’on voit peu de numéros de danse. Mais c’est qu’il s’agissait surtout de montrer de très jeunes gens en train de grandir avec en tête un but noble qu’ils veulent atteindre par-dessus tout. Sans perdre de vue que ce métier est le plus ingrat qui soit : il dévore toute votre existence, avec la perspective d’une retraite à quarante-deux ans consacrée au professorat si on a atteint la notoriété... alors que votre corps est ravagé par les exercices passés, les plus durs qui soient. Néanmoins, le milieu de la danse n’est pas présenté comme un milieu de cinglés, tel qu’il l’a été, par exemple, dans « Black Swan », imposture d’une malhonnêteté délirante.
L’identification du spectateur à ces trois garçons est totale, malgré la distance qui le sépare de leur rêve.