Sur le pourquoi de ses fugues, elle répond aux gendarmes "j'suis pas heureuse". Nous allons circuler dans l'histoire de cette femme, d'abord petite fille, puis préadolescente, puis adolescente et enfin femme. Le plus éprouvant pour moi dans ce film, c'est l'érotisation précocissime, la sexualisation trop tôt, trop crue de la jeune fille. Comme s'il fallait faire de l'homme, de tout homme, un salaud ; de son père, un homme qui bat sa fille, faute de pouvoir la comprendre. La provocation de la trop jeune fille nous éclaire sur ce que peut être la modalité de lien pédophile. Elle ne rencontre pas que de sales bonshommes, elle les cherche, mais ne les trouve pas toujours et de surcroît, si l'un d'entre eux vient à la considérer en prenant en compte son jeune âge, elle le jette, humiliée de ne pas être désirée sexuellement comme le rouge à lèvres, qu'elle s'applique à déposer sensuellement sur ses lèvres.
Comment se remettre du départ maternel, comment supporter la prison, l'exil, la fuite, les coups ? Toutes ces déclinaisons de maltraitance reçues, parfois induites, sont examinées dans cette histoire, mais avec cette particularité que c'est toujours du point de vue de l'héroïne, que la caméra filme. "Orpheline" démontre admirablement combien même lorsque les parents sont présents physiquement, l'enfant peut se sentir orphelin, abandonné à des éprouvés, à des émotions, face auxquelles il se retrouve bien seul pour en effectuer le décodage. L'"orphelinage" (si l'on m'accorde ce néologisme créé à dessein pour traduire ce que le cinéaste déplie et déploie dans son film), c'est ici l'abandon parental à soutenir l'enfant dans la compréhension de ses éprouvés.