Deux ans après l'hiver 2016 qui avait vu sortir en France "The Revenant" d'Iñárritu et les Huit salopards de Tarentino, voici donc un nouveau western qui débarquait. Et quelle claque je m'étais pris durant la séance ! Je peux le dire tout de suite, j'avais adoré ce film. Aficionado du genre, je ne m'attendais à rien de particulier et j'en avais été d'autant plus surpris ! Le scénario met en scène le capitaine Joseph Blocker chargé de convoyer le chef Cheyenne Yellow Hawk sur sa terre natale alors qu'il est mourant : seulement voilà, c'est l'un des plus grands ennemis du glorieux capitaine de l'Union - interprété par Christian Bale - qui l'a combattu des années durant. On sent venir le "road-movie" parsemé d'embuches et c'est tant mieux ! Le film est tout d'abord long à se mettre en place et débute dans la violence la plus crue, celle du massacre d'une famille de colons par des Comanches. Le ton est donné, les indiens sont les méchants et les américains sont les gentils, le manichéisme le plus basique se dévoile. Mais heureusement, tout le film s'apparente à un long chemin de rédemption pour les divers protagonistes qui chacun à leur manière, reconnaissent leurs erreurs et apaisent les blessures du passé, tout en arpentant des montagnes et des vallées magnifiques (lieux de tournage en décors naturels dans le Nouveau-Mexique et le Colorado de grande qualité) ; mais néanmoins toujours poursuivis par la violence. Jusqu'à cette dernière fusillade un peu vite expédiée et bâclée, le principal défaut selon moi. La bande originale du film (volontairement très mélancolique mais cependant très jolie) accentue l'impression de nostalgie et de scepticisme d'une époque révolue où la guerre contre les indiens a été un véritable massacre : les hommes qui y ont participé n'en sont pas sortis indemnes. L'interprétation de Christian Bale est d'ailleurs magistrale sur ce point ! Il joue parfaitement bien ce vieux soldat tourmenté et seul au crépuscule de sa vie, qui se cherche un but et qui voit sombrer ses meilleurs amis dans la dépression (cf. Rory Cochrane). Il enterre la hache de guerre avec le chef indien (à noter l'utilisation d'un dialecte indien Cheyenne du Nord, dialecte parlé à plusieurs reprises dans le film) et, la rencontre avec la récente veuve, jouée par Rosamund Pike, lui apporte un nouveau but sur son chemin de croix afin d'essayer de faire le bien ; les autres personnages et leurs psychologies sont un atout indéniable de l'ensemble. L'époque de la modernité et de l'ère industrielle sonne le glas de l'ancien monde (cf. locomotive à vapeur qui emmène nos héros vers la "grande" ville de Chicago et la soit disant "civilisation"). Par cette vision désabusée, le film s'apparente à un western spaghetti où le mythe du far-west est relativisé et partiellement déconstruit. Avec cette démarche, le réalisateur Scott Cooper (qui retrouve C.Bale pour la seconde fois) s'engage dans une voie contemporaine, c'est à dire de démystification de la conquête de l'ouest et d'un certain mea culpa envers les indiens qui ont subi un génocide : cependant il le fait de manière intelligente et proportionnée, sans se flageller à outrance (à contrario de l'époque actuelle où une partie des occidentaux se roulent dans la boue et se positionnent constamment dans l'auto accusation permanente de tout les soi-disant crimes commis au cours de l'histoire). Il donne donc matière à réflexion et livre un long-métrage équilibré où les tords sont partagés, la violence engendrant la violence. Mon humble avis est le suivant : l'Histoire avec un grand H n'est pas un long fleuve tranquille, les civilisations se succèdent, se dominent et puis s'effondrent, n'oublions jamais de recontextualiser.
En conclusion, ce grand western tragique et fataliste mérite quasiment la note parfaite et intègre la liste de mes films favoris.