L'Angle Mort : les secrets du tournage

Le film a été présenté à l'ACID au Festival de Cannes 2019.

L'Angle mort est né en 2006 sous l'impulsion d'Emmanuel Carrère qui a approché Pierre Trividic dans le but de travailler sur une histoire d'homme invisible qui perd son pouvoir. Le réalisateur se souvient : "Nous nous sommes vus trois ou quatre fois, et puis Emmanuel m’a annoncé qu’il abandonnait le projet, qu’il n’y croyait plus assez. Or, de mon côté, je m’étais mis au travail, et j’y croyais de plus en plus. J’ai donc prévenu Emmanuel que, s’il confirmait son abandon, je reprendrais le projet avec Patrick Mario. Et c’est ce qui s’est passé. Nous avons adopté le projet abandonné".

Si L'Angle mort met en scène un personnage doté d'un super-pouvoir, le film se déroule pourtant dans un monde ordinaire et familier. Le héros a un métier et vit dans un appartement commun. Patrick Mario Bernard explique : "Il se rapprocherait plutôt de Peter Parker/ Spiderman, qui vend des pizzas pour gagner sa croûte, que de Bruce Wayne/Batman, qui vit dans son château. Dominick a cet aspect très quotidien ou passe-partout, mais sans être un super-héros. Il ne sait pas quoi faire de son pouvoir. Est-ce que c’est si enivrant que ça, de pouvoir se rendre invisible ? Il subit son don tout autant qu’il l’exploite".

Le pouvoir d'invisibilité du héros est montré comme un fardeau, plus que comme un don. Comme l'explique Patrick Mario Bernard, "ça ne sert qu’à une chose, c’est « mater » [...]. Ça sert à être là, secrètement, quand se donnent à voir et à entendre des choses qu’on n’est censé ni voir ni entendre". Le film montre également que le pouvoir agit comme une prison pour celui qui le possède : est-on obligé d'utiliser son don sous le simple prétexte qu'on le peut ?

Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic collaborent depuis 1996. Ensemble, ils ont réalisé Ceci est une Pipe pour Canal+ et Une Famille parfaite pour Arte. Avant L'Angle mort, ils ont signé deux longs métrages, Dancing et L'Autre. Leur duo fonctionne de manière intuitive, sans répartition des rôles établie. Pierre Trividic raconte : "Nous échangeons de manière ininterrompue. L’élaboration ne fait qu’un avec ce dialogue. La ligne du scénario est la somme compensée de ces échanges. À la fin des fins, L’Angle mort a une route très droite. Une seule ligne conduit du début à la fin, sans rajouts".

Les réalisateurs ont repéré Jean-Christophe Folly après l'avoir vu dans La Maladie du sommeil et La Première Neige. Ils avaient été séduits par l'acteur mais le trouvaient trop jeune pour jouer le héros de L'Angle mort. Ils se sont ensuite lancés dans un autre casting qu'ils ont dû abandonner puis se sont attelés à d'autres projets. Quand ils se sont rendus compte que dix ans s'étaient écoulés, ils ont revu l'acteur qui avait depuis mûri.

"S’il y a un geste politique dans le film, s’il n’y en a qu’un, il est là" déclare Patrick Mario Bernard au sujet de son acteur principal qui est noir. Le réalisateur explique que les comédiens noirs sont souvent cantonnés à des rôles d'immigrés, dealers, prostituées, femmes de ménage, ... Dans L'Angle mort, le fait que le personnage soit noir n'a aucune incidence sur l'histoire : "Dominick, le premier rôle, est noir, et il a les problèmes de tout le monde, pas des problèmes-de-noir-au-cinéma". Son comparse raconte : "« Pardon, mais nous n’avons pas bien compris pourquoi Dominick est noir … », nous a opposé une commission de lecture très en vue. Eh bien, il est noir sans raison. Il faudra se contenter de ça".