Il est toujours délicat de vouloir comparer deux sociétés et encore plus la sienne à une autre. Comparer c’est aussi opposer, est tenter d'opposer c’est s’exposer à des maladresses voire à des arguments prêt-mâchés. Ce qui n’empêche pas de se révolter devant une société implicitement régie par une morale religieuse. Cependant, force est de constater que « Sofia » évolue dans une société étouffante, privée de libertés fondamentales comme le droit à disposer de son corps comme bon lui semble et de faire un enfant toute seule. Si « La belle et la meute » se rapprochait pour moi du film d’horreur, celui-ci se rapproche du thriller car la dernière demi-heure du film a renversé mes convictions. En effet, comment ne peut-on pas compatir et être révolté par ce qu’endure Sofia au début de sa mésaventure ? Comment ne peut-on pas en vouloir à ces pays où l’homme a droit de regard sur la femme jusqu’à son intimité. Insupportable. Puis à ma grande surprise, celle-ci un tantinet désagréable, comment ne peut-on pas être remonté devant les agissements de Sofia ?! Sur le moment et dès la fin du générique, je l’ai trouvée à terme antipathique. Déjà je n’avais pas apprécié son ingratitude envers Lena qui s’était démenée pour la couvrir.
Mais le fait d’avouer qu’Omar ne l’avait pas touché a fini par m’assommer !
Puis, avec le temps, en laissant retomber la pression, on ne peut que constater que rien n’est ni blanc ni noir, que la position de Sofia peut se comprendre même si je n’approuve pas son stratagème. Mais il est vrai que dans cette société patriarcale à dominante religieuse, tout est question de survie. Et Sofia se bat avec ses propres armes et profite des failles pour s’y engouffrer. Et la conséquence assez inattendue : l’homme peut être victime de cette société patriarcale ! Le choix de Sofia entraîne un homme dans son eau du bain. Le paradoxe de ce film, ou l’originalité de la réalisatrice, c’est d’illustrer un combat de femmes où l’homme aussi étrange que cela puisse paraître est écarté du débat, ou sa parole est presque invisible (l’oncle), inaudible (le père), muselée (Omar). En effet, Sofia prend sa décision entre sa mère, sa tante et Lena, sa cousine.
Quelque part pour sauver l’accord entre les parents et le violeur,
Sofia choisit « l’intérêt de sa famille » avec la complicité résignée de sa mère, de son père, de sa tante. Un film déplaisant dans sa morale. Ce récit est sordide. Seule la société marocaine est responsable voire coupable de la décision de Sofia. Mais elle n’est pas la seule victime, Omar également. Un film finement maîtrisé par Meryem Benm’Barek. A voir.