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    Les Moissonneurs
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    luclem1998
    luclem1998

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    4,0
    Publiée le 23 février 2019
    Les films sur les Afrikaners se font rares, à l'image des Afrikaners eux-mêmes, en voie de disparition. Etienne Kallos, dont c'est le premier film, plante sa caméra dans cette communauté, en étudiant l'état d'une famille qui cache bien des secrets. Grâce à sa mise en scène, le réalisateur parvient extrêmement bien à retranscrire la mélancolie et la fuite en avant de cette population qui est vouée à disparaitre. Ces longs plans larges sur les plaines africaines sont aériens, proches de tableaux tant tout semble aller au ralenti. Les personnages qui apparaissent à l'écran sont alors minuscules, perdus au milieu d'un troupeau, derrière des arbres. Le réalisateur filme cet environnement qui semble définir toute cette population, la destiner à rester. Les personnages semblent prisonniers du cadre, de ce milieu, de ces plaines si immenses et pourtant étouffantes.

    La photographie épouse pour cela les sensations des personnages : terne lorsque les jeunes protagonistes souffrent d'une peine indicible, cherchent une issue désespérément, s'ennuient et cherchent un sens à leur existence et solaire lorsqu'ils sont complices, vivent leur vie sans se soucier des incertitudes, du regard des autres. La photographie peut s'embraser, devenir incandescente, à l'image de ces deux héros, qui ne tiennent pas en place, en quête d'espoir, de liberté et d'amour. La luminosité de certains plans permet de refocaliser l'attention sur les deux adolescents, notamment lors des scènes où ils ne sont que tous les deux, à la fois complémentaires et toxiques l'un pour l'autre. Cette image lumineuse rend compte de cet amour fraternel qui nait entre les deux, de ces moments de fusion, de complicité, contrastant avec les passages en famille, où la tristesse, la froideur et le manque de vitalité se retrouvent dans la mise en scène et les teintes de la photographie.

    Si les deux ados sont à la fois complémentaires, proches et toxiques l'un pour l'autre, c'est qu'ils sont à la fois très différents, et pourtant possèdent de nombreux traits en commun. Kallos s'intéresse à deux jeunes ados en pleine quête d'identité, à travers des portraits sensibles et pudiques de leur fragilité, leur colère sourde et de leur vulnérabilité. Nait entre eux une quête de reconnaissance afin d'hériter des terres du père, qui passe par la fierté de montrer sa force, sa virilité, de savoir tenir un troupeau, mais tout cela en parallèle d'une autre quête, celle de l'amour maternel. Ces deux ados brisés, l'un par la drogue et la violence de la société, l'autre par le tabou et les carcans familiaux et religieux, en quête d'oxygène, se ressemblent plus qu'ils ne le pensent.

    Leur relation est constamment trouble, terrifiante par moments. Les scènes dans la chambre font suffoquer l'un des deux ados autant que le spectateur, les regards qu'ils se lancent sont ambigus, mélanges de haine, d'attirance, d'amour et d'appel à l'aide. Le réalisateur reste sobre et élusif sur l'homosexualité de l'un et la prostitution de l'autre, sans verser dans des scènes violentes, obscènes ou tire-larmes. Il y a une relation magistrale d'aimant entre les deux : ils s'attirent autant qu'ils se rejettent. Ils peuvent venir en aide à l'autre comme le détester la minute d'après. Cette ambiguité, ce trouble se retrouve dans la mise en scène qui joue, par un jeu de cadrages, de son et de couleurs, à laisser les paroles inaudibles, les regards perdus, les présences de personnages hors champ. L'image souvent traversée par la brume, rend compte du trouble total que fait vivre ce film.

    Si les deux acteurs, Brent Vermeulen & Alex van Dyk, sont prodigieux et magnétiques, le film repose aussi sur le personnage de la mère, mystérieux, incompréhensible par moments, voulant offrir de l'amour mais toujours à distance de ses fils. On se demande constamment si tous les enfants ne sont pas naturels, s'il ne s'agit pas d'une famille recomposée à plusieurs reprises, si l'amour est plus fort que la foi ou l'inverse. Cela donne lieu à des scènes de haute tension, entre la mère et ses fils, balancées par des scènes très émouvantes entre tous les enfants, liés par quelque chose de plus fort que le sang. Le réalisateur questionne aussi la légitimité d'hériter de ces terres, puisque la population afrikaner est vouée à disparaitre. Ainsi, le conflit d'héritage entre les deux frères est souvent remis en question, jusqu'à ce final en apothéose, où la douleur autrefois sourde de Janno éclate, l'amour fraternel et le désespoir de Pieter s'expriment, avant de laisser place à une scène de déjeuner perturbante.

    Un premier film remarquable, qui peut sembler lent et contemplatif mais se révèle captivant notamment grâce à ses acteurs, qui rivalisent de talent pour rendre crédible ce duel pour devenir le favori, dans un ton aux antipodes de celui de The Favorite de Yorgos Lanthimos

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