Michel Toesca, le réalisateur de Libre, est né à Nice en 1960. Il découvre le cinéma à l’âge de 14 ans en participant au tournage et au montage d’un court métrage de son cousin le photographe Jean Louis Martinetti. Fasciné par le langage cinématographique, il emprunte la caméra double 8 de son père et commence à tourner et monter ses premiers films. Il s’installe à Paris en 1978, y commence une école de cinéma qu’il quitte en cours de deuxième année pour tourner et produire ses films tout en travaillant comme assistant puis réalisateur. Il apprend la prise de son et d’image pour être le plus autonome possible dans sa démarche de cinéaste. En 2008 il vient vivre à Saorge dans la vallée de la Roya et continue à produire et tourner ses films de façon de plus en plus indépendante.
Le réalisateur Michel Toesca est ami avec le protagoniste principal du documentaire, Cédric Herrou : "Je suis né à Nice et enfant je venais dans la vallée de la Roya. Cédric y vit depuis environ 20 ans. Nous nous sommes rencontrés au début des années 2000, nous étions copains. En 2008, je suis venu m’installer dans cette vallée avec ma famille. C’est à cette période que nous nous sommes rapprochés et sommes devenus amis", se souvient le cinéaste.
C’est Cédric Herrou lui-même qui est venu vers Michel Toesca pour lui soumettre l'idée de le suivre dans son combat. "J’avais commencé à tourner dès 2015, essentiellement en Italie. À cette époque, les migrants n’étaient pas encore montés dans la Roya. Ils étaient cantonnés à Vintimille, ville où je me rendais souvent, et où je les ai croisés pour la première fois. J’étais bien sûr au courant de ce qui se passait en Grèce, et à Lampedusa, mais il n’y avait alors aucune médiatisation de ce qui se passait dans cette partie de l’Italie. Cela m’a intrigué. Comme je me balade souvent avec ma caméra, que j’aime observer le monde, j’ai commencé à filmer ce qui se passait sur place. J’ai passé beaucoup de temps avec les migrants de Vintimille. J’ai réalisé beaucoup d’interviews. Je les ai suivis dans les tunnels, dans leurs pérégrinations. Puis j’ai tourné avec des associations italiennes. Il faut se rappeler qu’au début, personne ne savait vraiment ce qui était légal ou illégal. Du coup chacun agissait seul, de son côté. Comme je circulais beaucoup, j’ai commencé à faire le lien entre ces différentes initiatives. C’est à ce moment là que Cédric m’a dit que lui aussi aidait et hébergeait des exilés. À cette époque, il n’était pas du tout médiatisé et j’ai commencé à le suivre."
Michel Toesca n'a utilisé qu'une seule caméra pour tourner son documentaire : "Je n’avais pas le choix car je n’avais rien d’autre qu’une vielle caméra DV Cam qui filme dans un format qui n’existe plus depuis 15 ans (rires). Et je n’avais pas d’argent pour en acheter une neuve. Et puis j’aime beaucoup ce format. Je trouve l’image douce, moins électrique que les formats HD. Ce qui est finalement aussi bien car grâce à cette légèreté, j’ai pu être là tout le temps, les gens apprennent à vous connaître et surtout à vous oublier. J’étais dans l’action. J’y participais activement comme filmeur et acteur au sein des actions."
Pendant les deux premières années, Michel Toesca a tourné et monté tout seul, sans producteur. Et quand Jean-Marie Gigon, qui a finalement produit le film, est arrivé, le cinéaste lui a expliqué qu'il n'y arrivait plus, qu'il y avait trop de rushes. "Je ne voyais plus où j’allais. Nous avons donc choisi de faire appel à Catherine Libert qui est une cinéaste monteuse pour laquelle j’ai une grande admiration et en qui j’ai une totale confiance. Elle a été touchée par le sujet et a accepté de nous accompagner. Je lui ai tout confié, l’ours de 16 heures mais aussi les 200 heures de rushes. Catherine a mis beaucoup d’elle dans le film. Elle m’a même guidé durant la fin du tournage en m’incitant à capter telle image ou aller dans tel lieu. D’une certaine manière, j’étais sous son aile. Lorsque j’ai découvert sa proposition, j’ai été à la fois séduit et très soulagé. Il y avait de sa part un regard, un oeil. Elle était vraiment avec nous. Elle faisait partie de l’équipe. Le film durait à ce moment-là 5h 40 ! Et là s’est posée la question du film que nous voulions faire. Un film qui soit vu uniquement par les sympathisants de la cause ou au contraire qui soit vu par le plus de spectateurs possible ? S’est alors imposée une véritable notion de dramaturgie et de narration. Comme Cédric Herrou était la seule personne dans la vallée à n’avoir fait aucun break en trois ans, je me suis dit que la seule façon de continuer le film était de me recentrer sur lui pour raconter cette histoire."