La tête sous l’eau
Vous me connaissez, un film croate, qui plus est Caméra d’or à Cannes, et votre Jipéhel fonce voir le drame réalisé par Antoneta Alamat Kusijanovic. 96 minutes après, il en ressort loin d’être déçu, même si ce huis clos très aquatique s’avère plus qu’oppressant. Sur l’île croate où elle vit, Julija souffre de l’autorité excessive de son père. Le réconfort, elle le trouve au contact de sa mère – et de la mer, un refuge dont elle explore les richesses. L’arrivée d’un riche ami de son père exacerbe les tensions au sein de la famille. Julija réussira-t-elle à gagner sa liberté ? 1er film et un coup de maître. Voilà une jeune réalisatrice à suivre de près… Ce n’est sans doute pas un hasard si le grand Scorcese a coproduit ce film.
Ce n’est pas par hasard non plus, si l’héroïne de ce drame est une championne d’apnée. Car, le moins qu’on puisse dire, c’est que l’atmosphère dans laquelle baigne – comme une évidence -, les 4 personnages est étouffante. Même si le père me paraît plutôt caricatural et outré, - trop c’est trop -, le scénario se tient fort bien et les réactions du quatuor se comprennent aisément et on partage donc leurs doutes, leurs peines et même leur violence. Au centre de l’intrigue, deux générations de femmes piégées dans un monde où le machisme et la violence sont rois. - ce que, nous révèle la cinéaste, on appelle volontiers la mentalité croate. Les décors sont austères, secs, pierreux, quasi dans végétation. Tout comme la maison très spartiate. L'eau reste le seul endroit où se cacher. C'est un lieu humide et sombre, qui représente presque un refuge pour Julija. Tout est donc ici calculé au détail près. Un beau film mais, claustrophobes et aquaphobes, s’abstenir !
La jeune Gracija Filipovic, sans être une beauté parfaite, possède un charisme et une force tout à fait étonnants. De chaque plan, elle illumine ce drame de sa présence. Danica Curcic, Léon Lucev, Cliff Curtis, l’entourent avec énormément de talent dans des rôles plus que complexes. Durant une heure et demie, la mer, avant de devenir promesse de liberté, est montrée comme la prison dont l’héroïne voudrait tant s’échapper. Evitant tout effet carte postale, la réalisatrice nous enferme avec ses personnages dans cette prison entre ciel et mer où l’on assiste à un récit de passage à l’âge adulte d’une force dévastatrice. Tragique et bouleversant.