« A double tour » est le premier film de Chabrol en couleur, et la transition est réussie, aidée il est vrai par un décor provençal de toute beauté. Le long plan sur le champ de coquelicots fut remarqué dès la sortie du film, le décor des deux maisons séduit. Les effets de caméra sont étudiés et cohérents avec l’intrigue (par exemple le plan fixe final), et la photo remarquable. Côté acteurs, on est également comblé, avec une distribution judicieuse et des rôles joués comme ils doivent l’être. La causticité de Chabrol s’affirme ici davantage qu’auparavant, un trait de caractère qui imprègnera désormais toute sa production.
L’estampille « nouvelle vague » ne peut être attribuée sans réserve : si la liberté de ton est présente, elle se mêle à une théâtralisation des scènes dramatiques (explication entre Thérèse et Henri Marcoux par exemple) qui rappelle le cinéma français d’avant guerre. Le film est sans doute peu onéreux, le tournage a eu lieu principalement en extérieur, mais on a fait appel à bon nombre de comédiens déjà célèbres.
Ce qui fâche, c’est le scénario : jusqu’au crime, on a une comédie de mœurs agréable, acerbe, une peinture sociale décapante comme l’auteur du « beau Serge » a l’habitude d’en produire, même si cette fois cela frise l’invraisemblance. Après l’assassinat, cela se gâte, car le coupable est évident, et la phase d’enquête, mal fichue, est exempte de suspens et d’intérêt. Pourquoi alors s’y attarder ?
A vouloir jouer sur deux registres, la comédie de mœurs et le film policier, l’œuvre perd non seulement sa cohérence, mais aussi beaucoup de son intérêt.