Il y a parfois des films exceptionnels, il faut en profiter et ne pas rater celui-ci. Maladroitement présenté comme un film qui montre le quotidien des agents d'entretien : rien de tel pour décourager le spectateur éventuel, il s'agit ici de bien autre chose, comme nous allons le voir un peu plus bas. Certes, le film se rattache au courant social, de celui qui dénonce les injustices que vivent au quotidien, pour gagner leur vie " les premiers de corvées". Il aurait pu être réalisé par les frères Dardenne, Stephane Brize ou Robert Guediguian pour ne prendre que des exemples hexagonaux, mais aussi par Kenneth Loach. Je pourrais ajouter avec ce qu'ont fait de mieux les realisateurs précités, pour situer le niveau du film. Une journaliste se fait embaucher comme technicienne de surface avec le projet d'en faire un livre. Son entreprise d'immersion sous pseudo, l'oblige à établir de bons contacts avec ses collègues, dont certains deviennent des relations personnelles, sans que ces derniers ne soient mis au courant de la supercherie. Elle aurait pu se contenter d'interroger, d'interviewer non, elle désire vivre dans sa chair, ressentir ce que ça fait d'être une femme de ménage. Masochisme, sincérité, volonté de produire quelque chose de vendeur ? Martine Winckler a oublié juste une chose, elle va rencontrer et créer du lien avec des êtres à qui il ne reste que ce qui ne s'achète pas pour pouvoir supporter cette vie difficile : l'amitié par exemple.
Tiré de l'ouvrage à succès de Florence Aubenas, ( que je n'ai pas lu), le film propose une réflexion à tiroirs qu'Emmanuel Carrère, écrivain et cinéaste expose avec beaucoup de talent. Le contexte des agents d'entretien n'est finalement qu'un prétexte ( les scènes de ménage représentent moins de quinze minutes dans un film de presque deux heures) pour décrire la difficulté de vivre de beaucoup de gens modestes. Il pose aussi le thème des rapports de classe et finalement celui de la trahison des élites que Martine Winckler ( Florence Aubenas) incarne à son corps défendant. C'est aussi un film sur l'amitié qui ne repose que sur la sincérité et la confiance et qui n'était qu'une des seules richesses que possédaient les deux amies "trahies" par Winckler. Il faut dire la vérité à ceux à qui on la doit et Winckler en voulant faire une œuvre salutaire, en voulant faire un bon coup éditorial, en croyant être du côté du bien en défendant les exploités à travers son livre à été renvoyé à elle-même. Sa méthode de dénonciation n'était pas la bonne, car elle n'était pas honorable au sens premier du terme. Winckler donnera à connaitre à ses lecteurs le quotidien des techniciennes de surface, mais ses deux "meilleures amies" ne lui donnent elles pas aussi une leçon à la fin ?Pas répréhensible non, juste pas très honorable martine Winckler. Le film trouve quelques résonances avec "France " le dernier film de Bruno Dumont. Il est peu étonnant que Florence Aubenas n'ait pas aimé notamment la fin du film. Une des répliques du film fait dire à un des personnages " je ne sais pas si ce que vous faites est bien ou mal ?", c'est sans doute cette question que l'auteur du livre a dû se poser. C'est en tout cas à chaque spectateur de répondre. Tres émouvant, le film est parfaitement interprété par les acteurs non professionnels pour la plupart. Juliette Binoche, actrice sans beaucoup de charisme à mes yeux, n'est pas la meilleure réussite du film. Mais peu importe.pour le spectateur que j'aie été et qui est sorti littéralement sonné de la projection. Un des meilleurs films français en exclusivité que j'aie vus depuis un bon bout de temps.