Il y'a un célèbre dicton en Bretagne, qui dit comme çà, " Il ne pleut que sur les c*** ! ". Cette phrase souvent mal comprises, y compris par certains bretons s'imaginant être des immaculées, à bien des choses à dires qui concorde avec ce film de Grémillon. Car au fond, on est tous touché par elle, la pluie je veux dire, il y'a dans le sens de cette phrase comme un constat, il faut faire avec. C'est notre manière à nous, un peu rustre je l'avoue, de dire que l'on apprend à dansé sous la pluie. Remorques, aussi tragique soit-il comprend son rythme, sa valse, comme André, taciturne mais qui bouge mieux que les autres !
D'entré, on plonge dans des festivités. Le bal du mariage est convivial, les deux discours, l'un du médecin, l'autre du capitaine, chacun dans leurs registres donnent à sourire. Le cœur y est, la joie, également. Des merveilles sont faites. Dans un phrasé simple, éloquent, on reconnais bien là Prévert. Sentimental et juste, sur une corde qu'il fait vibré. Pendant un petit temps, la fête se poursuit, avant le S.O.S qui la termine brusquement, mais néanmoins normalement ...
La voix de celui qui dicte consignes et ordres est de ce fait moins chantante. Les machines et les hommes cohabitent et s'affectionnent dans son tempo, dur, rude mais juste. Les femmes à quai connaissent une autre forme de rigueur, mais j'y reviendrai. Le contraste entre capitaines sautent aux yeux entre les différents navires, l'évidence es vite cousu pour bien nous faire prendre conscience de l'exceptionnel, que ce Cyclone fonctionne à la force des caractères, de son homme providentiel notamment. Jean Gabin, je suis obligée de le dire tout de suite, fait déjà merveille !
La sainte colère de Catherine avec son mari est une autre accroche dans le portrait du type, opportuniste, profiteur, dont la fierté mal placé met des vies en danger. Tandis que sur l'autre navire, on pend le temps, une fois la nuit passé, au petit matin, de pansé les plaies des marins blessés à la tache, mais dont le courage est relevé, sublimé par les quelques attentions. La nuit de la manœuvre à beau laissé voir ses ficelles, je la trouve magnifique. Les conditions de 1941 là rende encor plus belle encore ...
J'en reviens à cette obscurité qui se dissipe, à son jour qui se lève, à la clarté nouvelle qui raconte un autre geste, un rouage semblable, un savoir pour ceux qui regarde et assimile. La rencontre aux forceps entre cet homme et cette femme - duo mythique du cinéma - sur cette Mer Finistérienne, entre froideur et une certaine défiance sur fond de principes au airs de préjugés attise une suite que l'on devine. Les fameux " problème à terre " seront les bienvenus, y compris pour dans ses larmes.
Remorques, n'est pas qu'une histoire de Marin. La vie conjugale, le rapport homme / femme plus largement est un autre de ses moteurs. Le bonheur âpre et ardant des hommes qui exercent contraste avec ces femmes à terre, qui elles attendent et désespèrent. Sans vitriol sur le rapport, Grémillon et les siens narre une vie faite de sacrifice, pour tous. Le mensonge de la femme de Tanguy, dans le bistrot, puis l'avis qui change d'André sur ce dernier, confié à ce même Tanguy ( couillon magnifique ! ) est une symbolique remarquable d'une sagesse dans une sorte de folie ... Une effervescence pour dire avec joliesse.
C'est ce qu'il y'a d'incroyable dan la simplicité, il suffit de peu pour inversé, ou du moins retourné ce qui semble stoïque et indéboulonnable de prime abord. Le mépris du silence est pris à charge par la situation une fois à même d'être vécu. La scène de la plage, puis de la visite de la maison qui la jonche, est mémorable d'ailleurs au-delà de sa superbe maitrise, c'est bien ce qui s'y passe qui nous fait chaviré pour elle. Des " portes mal foutus " au chambre " toute blanche ", il suffit de les voir, l'un face à l'autre, de la dispute au baiser, pour que l'électricité se manifeste. J'ai dit à quel point j'adorais Gabin, je n'en oublie pas Michèle Morgan !
Les " semi " aveux d'Yvonne, et sa tirade au sens globale qui intervient de suite cette séquence sont d'autant plus effroyable. Les mots et maux de cette femme qui sent son mal et qui cherche son échappatoire non dans la peur mais par le bonheur - qui s'y refuse à elle - chagrine et confère une dramatique importante à un film au fond si simple. Les " ennuis " contre " l'ennui " m'ont mis K.O.
L'orage en question, réitère le miracle, encercle la bulle, devient une parenthèse. Moi aussi j'aime l'orage, pas forcément pour son bruit, pour sa déferlante, mais pour son odeur, avant, mais aussi plus tard. C'est pour cela que j'interprète, au delà de son étoile ... de mer !
Le film se termine loin du bal initial. On se regroupe pour s'aimé, dans une épreuve cette fois plus terrible, que l'on quitte pour un autre S.O.S cependant. Une similitude dans la réunion, qui souligne le destin des Marins. L'ultime plan, sur le visage d'André et le départ du bateau qui file dans sa pénombre fait d'office resurgir la résilience d'une telle vie ! Remorques est ainsi tragique, Jean Grémillon s'en assure et nous laisse un film pour la postérité !