Si Anderson depuis "Darjeeling Limited" a rarement conquis mon cœur, bien que je comprenne les qualités qu'on lui reconnaît, la vraie surprise que j'ai rencontré devant "The French Dispatch" est d'avoir beaucoup apprécié le film, rejoignant le petit cercle de mes films préférés d'Anderson avec "Moonrise Kingdom". Expliquer pourquoi me semble une tâche éminemment plus complexe : peut-être la sensation que cette fois, Anderson n'a pas juste appliqué son style-papier peint sur un pays, mais qu'on a une vraie rencontre entre l'influence cinématographique française et l'univers de Wes. Peut-être que c'est l'aspect déconstruit du film en 6 actes de durée variable, que j'ai suivi de manière très naturelle. Peut-être est ce simplement que cette fois, le film a vraiment marché sur moi, là où le "Grand Budapest Hotel" et "Isle Of Dogs" m'avait laissé assez froid.
Constituant son propre tableau de la France à travers la ville fictive de Ennui (très beau maquillage d'Angoulême), Anderson explore la France et ce qui fait notre schyzophrénie si unique, avec des constants changements de ratios et de couleurs, et la structure même du film qui abordera l'amour, le désir, la révolution, la bouffe, le tout dans un emballage cohérent dans son inconstance. Le simple travail de la couleur (Wes Anderson en noir et blanc, c'est vraiment très beau) marque l'identité du film et fait un bel écho aux transformations intérieures que traversera le cinéma français avec la Nouvelle Vague. La tragédie comique qui traverse toute la galerie de personnages offre un portrait sombre de notre humanité, mais cruellement humain, tant la lumière qui émerge est toujours emprunte d'une certaine ironie.
Je ne sais pas si un jour, je serais pleinement conquis par un film de Wes Anderson, du moins que je ne l'ai été avec "Moonrise Kingdom", mais "The French Dispatch" était proche d'accomplir cette performance. Surement un des films les plus amers du réalisateur, avec un regard froid mais diablement honnête sur la mort et le temps qui se fane, les sentiments incompris et notre condition humaine en recherche de sens, la France à porté le cœur de Anderson, et son film aura porté le mien.