Contraint de fuir son pays avec sa famille, le réalisateur Hassan Fazili s’est retrouvé à ressentir « une pression permanente, celle de devoir protéger ma famille de toutes les potentielles menaces. Mais en tant que cinéaste, ces errements et ces épreuves m’intéressent, car ils font de nous les sujets du film. J’ai voulu en tirer un film réaliste, qui implique le spectateur, dans lequel je suis tantôt père, tantôt époux, tantôt réalisateur, et parfois les 3 en même temps. Je suis à la fois derrière et devant la caméra. »
Impossible pour Hassan Fazili de transporter du matériel professionnel. Tout ce qu’il avait à disposition pour tourner, c’était trois téléphones portables : « Ils étaient petits et faciles à utiliser pour filmer sur le vif. Ce film n’aurait pu exister sans ces téléphones portables. »
Le réalisateur a perdu un de ses yeux à l’adolescence, alors qu’il travaillait dans une usine : « Ma découverte du cinéma m’a donné le sentiment de recouvrir la vue, de poser un regard nouveau sur le monde. Dans ce film, plus ma famille rencontre de difficultés, plus la douleur et la souffrance s’imposent à mes yeux, et plus le film gagne en intensité. Quelle est ma responsabilité dans ce film ? Suis-je père ou réalisateur ? »
Midnight Traveler est réalisé par Hassan Fazili et monté, écrit et produit par Emelie Mahdavian. Cette réalisatrice perse a rencontré Fazili grâce à un ami en commun. Quand elle a appris que la sécurité des Fazili était menacée, elle a immédiatement lancé une campagne pour plaider leur cause puis a décidé de les aider à documenter leur exil : « Nous n’avions aucune idée de la forme que ce projet allait prendre, mais nous avions le sentiment qu’il était important de filmer et de garder une trace de leur exil. »
Comme Hassan Fazili ne pouvait pas voyager avec son ordinateur, il enregistrait les rushes sur des cartes SD, qu’Emelie Mahdavian récupérait grâce à ses contacts sur place, qui en copiaient le contenu et le lui envoyaient aux États-Unis. Fazili effaçait les anciens rushes et libérait de la place pour de nouveaux rushes.
Midnight Traveler est tiré du livre que la fille aînée de Hassan Fazili, Nargis, lit au début. Midnight Traveler est une oeuvre majeure de la littérature moderne afghane, écrite par l’ethnographe, homme politique et écrivain Said Bahodine Majrouh. « C’était un réfugié à la fin de sa vie, jusqu’à ce qu’il se fasse assassiner. Ce livre témoigne de l’essor de la vie intellectuelle et artistique afghane, essor dont on oublie souvent l’existence. Ces artistes et intellectuels afghans se nourrissaient de traditions culturelles de tous pays, y compris française et perse. La puissance allégorique de l’oeuvre de Said Bahodine Majrouh résonne avec les thèmes abordés par le film », développe Emelie Mahdavian.