Profession du père
Le cinéma de papa
Adapté du roman du même nom écrit par Sorj Chalandon, le drame réalisé par Jean-Pierre Améris laisse un malaise étrange à la sortie de la salle. L’originalité du sujet, la morale de l’histoire, les personnages atypiques, tout relève presque de l’incongru dans ces 105 minutes. Emile, 12 ans, vit dans une ville de province dans les années 1960, aux côtés de sa mère et de son père. Ce dernier est un héros pour le garçon. Il a été à tour à tour était chanteur, footballeur, professeur de judo, parachutiste, espion, pasteur d'une Église pentecôtiste américaine et conseiller personnel du général de Gaulle. Et ce père va lui confier des missions dangereuses pour sauver l’Algérie, comme tuer le général. Une distribution brillante suave un film dont on n’a du mal à percevoir les intentions. Un cauchemar intime et cruel qui s’avère intéressant mais troublant.
La mystification est au centre de l’intrigue où des personnages qui se font avoir par un autre qui leur raconte des fables auxquelles ils croient dur comme fer, et cette douleur qui est celle de découvrir que l'on a été berné, que tout était faux. L’intrigue se déroule en grande partie dans le huis clos étouffant de l’appartement familial. Les extérieurs se situent à l’école où dans les rues désertes et angoissantes du vieux Lyon, filmées comme un lieu d’enfermement. On rit parfois, on pleure souvent, mais on est surtout pris d’effroi par ce père mythomane et violent. Une réflexion sur le thème du déni du réel, poignante et déstabilisante.
Jean-Pierre Améris connait bien Benoît Poelvoorde pour l'avoir dirigé dans les excellents Les Emotifs anonymes et Une famille à louer. Comme d’habitude, notre géant belge est énorme, jouant de l’outrance avec une délectation jubilatoire. Il y a du Sordi ou du Gasmann dans cet acteur là. A ses côtés, l’impeccable Audrey Dana, que j’avais rarement vue autant à son avantage et le jeune Jules Lefebvre, formidable petit acteur qui crève l’écran et que l’on devrait revoir très vite. Nous nous rappellerons de la fin touchante et l’ultime phrase de la mère soumise : j’ai vu le poisson mais je n’ai rien dit parce que c’était plus simple. Un point final bouleversant.