Days : les secrets du tournage

À l'instar des précédents films de Tsai Ming-liang, on retrouve dans Days l'acteur Lee Kang-sheng. Lorsqu'il a commencé à le filmer, le réalisateur ignorait que leur collaboration allait durer trente ans. Il l'a repéré dans la rue et a décidé de lui faire jouer son propre rôle dans son premier film, Les Rebelles du Dieu Néon. Tsai le considère comme "une projection de mon être intérieur. La forme de mes films, leur rythme, lui doivent beaucoup." Le visage silencieux de Lee est pratiquement la marque de fabrique du cinéma de Tsai.

Lorsqu'il l'a rencontré trente ans plus tôt, Tsai Ming-liang n'appréciait pas la lenteur ni la façon singulière de jouer de Lee Kang-sheng, avant de finalement adapter ses films à cette langueur et s'essayer à un exercice de "cinéma lent". Il a d'ailleurs initié depuis 2012 avec les pièces Walker et No Form la série des Walker Films, des courts-métrages dans lesquels Lee Kang-Sheng apparaît pieds nus, crâne rasé et vêtu d’une robe rouge dans la peau de Xuanzang, le grand moine de la dynastie Tang. Dans chaque film, il déambule avec une lenteur extrême dans une ville différente.

Peu de temps après sa rencontre avec Tsai Ming-liang, l'acteur Lee Kang-sheng a développé une étrange maladie dont un des symptômes est une inclinaison du cou. Tsai a accompagné Lee dans sa recherche d’un traitement et a raconté cette expérience dans le film La Rivière. Depuis, le réalisateur continue à observer les transformations de son corps dans ses films : "C’est avec La Rivière que j’ai réalisé combien j’étais ému par l’évolution de son corps, mais aussi combien il y avait une forme de cruauté dans cette manière d’observer son vieillissement progressif. Dans un film commercial, personne ne veut voir cet aspect cruel de la vie. Pour moi, c’est ce qu’il y a de plus vrai, c’est ce qui me touche le plus."

Tandis qu'il continuait à filmer son acteur fétiche Lee Kang-sheng et sa maladie, sans savoir ce qu'il allait faire de ces images, Tsai Ming-liang a rencontré un ouvrier laotien à Bangkok. C'est ainsi que Days est né : "Nous communiquions à travers de petites vidéos instantanées, et je trouvais ses gestes très beaux, notamment lorsqu’il cuisinait. Je suis parti le filmer en Thaïlande. Et au fil du temps, j’ai ressenti que l’on pouvait faire quelque chose avec ces deux hommes : l’un coincé dans son corps malade, l’autre ayant un corps très sain et habile mais coincé en Thaïlande. Ces images ont créé la fiction qui amène à leur rencontre finale."

Days est dépourvu de dialogues. Le réalisateur explique : "Pour moi, ce qui est primordial c’est l’image. C’est la forme qui parle bien plus que le contenu. Je veux mobiliser le regard, les sens, ne pas les parasiter avec trop de paroles. La lenteur, la fixité, mon souci de ne pas multiplier les points de vue, ce sont des manières de mieux laisser les spectateurs s’imprégner des images afin de s’y trouver une place."