Barratier semble définitivement abonné aux films d’époque et aux films sur l’enfance en culotes courtes. Si on regarde l’ensemble de sa filmographie, on constate qu’il a une prédilection pour une certaine idée de la France éternelle, celle des blouses grises. Je ne veux pas croire qu’il y ait chez ce réalisateur la nostalgie d’une France fantasmée qu’il n’a jamais connu mais son cinéma parle quand même un peu pour lui. Sa réalisation n’est pas déplaisante, son film est bien calibré, il ne manque pas d’humour, il y a une jolie photographie et un vrai souci de reconstitution. Les décors en particuliers sont très soignés (Marseille vue du funiculaire) et il filme les collines comme elles doivent l’être, c’est à dire écrasées de soleil. Il y a quand même deux trois choses énervantes dans « Le Temps des secrets », c’est d’abord le nombre incalculable de plans aériens style « office du tourisme ». C’est pratique et c’est joli pour faire des transitions mais là, Barratier nous en colle un par minute ou presque, à croire qu’il devait en caser le plus possible pour avoir les subventions de la région ! Et puis la musique est carrément envahissante. La bande originale de Philippe Rondi n’est pas désagréable (bien que la comparaison inévitable avec Vladimir Cosma lui soit préjudiciable), mais elle est de toutes les scènes. Au bout d’un moment, couper la musique nous aurait fait du bien, on aurait pu entendre un peu les cigales ! Trop de musique passe-partout, trop de plans aériens passe partout, c’est le symptôme d’une réalisation très scolaire et sans magie, qui dessert un peu ce troisième volet. Coté casting, on a Guillaume de Tonquedec, Mélanie Doutey, François -Xavier Demaison ou encore Anne Charrier. Tous font parfaitement le job même si j’avoue avoir eu un peu plus de mal avec Mélanie Doutey que je trouve mal à l’aise dans le rôle d’Augustine. Je me demande s’il n’aurait pas été judicieux d’échanger les deux rôles féminins, Anne Charrier me semblant correspondre mieux à une Augustine Pagnol fragile comme de la porcelaine et en proie à la maladie. Côté enfant, même si on ne peut rien reprocher à Léo Campion et à sa petite bouille et à ses yeux écarquillés, c’est plutôt Baptiste Négrel qui emporte le morceau dans le rôle de Lili, plus naturel, plus à l’aise. Je ne peux pas dire si l’adaptation de Barratier est fidèle à Pagnol, il faudrait que je relise l’œuvre originale. Mais dans cet opus là, clairement, la magie de l’enfance s’efface devant des problématiques plus adultes : Marcel délaisse son ami pour une fille en apparence fortunée et bien élevée, très jolie
mais qui cache bien des secrets
. Comme de bien entendu il se laisse impressionner par le luxe, la beauté, la culture de cette gamine qui le fait tourner en bourrique. Il touche du bout du doigt une certaine idée de la lutte des classes, une idée qui lui fera dire des bêtises à son père et à Lili,
mais qui deviendra encore plus concrète quand il sera boursier au lycée.
Les parents de Marcel ont aussi leurs secrets : Joseph trébuche de son piédestal
lorsqu’il se met à faire du gringue à la boulangère
, Augustine
cache sa maladie et ses engagements politiques de suffragette
.
Je résume : lutte des classes, féminisme, harcèlement scolaire, pas de doute
« Le Temps des Secrets » se veut un film moderne. Est-ce réussi ? Oui et non, le film se suit sans déplaisir mais ne laissera pas dans le cœur du spectateur une trace indélébile, la faute sans doute à une réalisation trop formatée, un scénario qui ronronne au bout d’un moment : à force de vouloir embrasser tous ses thèmes, il se disperse un petit peu.