Portrait féministe et pictural des dernières années de Henri VIII, cet odieux barbe bleu anglais. Alicia Vikander est très convaincante dans le rôle titre d'une Catherine Parr tout sauf résignée et éteinte, malgré les viols, les manigances de la cour, la pression de l'hérésie qui plane sur son amie d'enfance, la peste, son mari odieux etc. Jude Law est plutôt convaincant dans le rôle du monarque gangrené (au propre comme au figuré). Bien que ce ne soit pas son meilleur rôle, on doit lui laisser qu'il a accepté de camper un personnage dégradant et répugnant jusqu'au bout de l'exercice (RIP son sex appeal et c'est un move courageux).
Le film a pour lui un scénario correct, des seconds rôles intéressants (Junia Rees crève l'écran dans le rôle de la jeune Elisabeth. Malgré son peu de mots, elle est très expressive), des costumes graphiques (du jaune, du rouge, du noir et du blanc, des jeux de texture avec la flanelle, le velours, les bijoux). La photographie nous amène des tableaux, proches de ce que ferait un Velasquez, par exemple dans la scène où la reine
comprend que le roi est en train de chercher à la répudier sur son lit de mort
ou des portraits de trois quarts de la reine et ses suivantes, qui ne sont pas sans rappeler des œuvres de Leonardo (la Dame à l'hermine) ou encore la Dame à la perle de Vermeer. Mentionnons aussi l'intensité émotionnelle de certains moments : j'ai été prise à la gorge par
cette scène crue et vivement douleureuse de fausse couche. Merci au réalisateur d'avoir su montré pudiquement la peur, la colère, la tristesse tout à la fois.
Le film n'aura qu'un 3/5 pour les raisons suivantes : deuxième partie un peu longue à partir du moment où
Henri VIII change d'avis et veut faire inculper sa femme
. Twist final hasardeux :
on comprend aisément pourquoi on a fait tuer son mari par "Kit", mais c'est très peu vraisemblable et finalement une catharsis un peu "obvious"
. Beaucoup trop de passages glauques et de gros plans sur la plaie putréfiée du roi, les entrailles de souris et du roi lui-même, etc. C'est déjà vu et le roi est déjà assez misogyne et nauséabond sans cela.
Enfin, la manière un peu facile dont Kit est relâchée à la fin, sans contexte, m'a laissée sur ma faim.
Allez le voir et faites-vous une idée ! Mais dites adieu à tout fantasme sur Jude — il n'y a pas de retour en arrière possible : ces images dégueus de fesses flasques et ses grognements d'animal seront gravés sur votre rétine et habiteront longtemps vos tympans.