Un peuple : les secrets du tournage

Après avoir entendu parler des manifestations et des blocages de ronds-points le 17 novembre 2018, Emmanuel Gras s’est rendu le samedi suivant sur les Champs-Élysées pour observer ce qui s’y déroulait : « J'ai alors vu des gens qui ne ressemblaient pas au peuple de gauche que j'avais l'habitude de voir battre le pavé. La plupart venait de province et arrivait dans la capitale par petits groupes, se retrouvant sur le chemin des Champs-Élysées. […] Je n’avais jamais vu une telle expression de révolte populaire. » Le réalisateur a ensuite cherché un cadre plus propice à la discussion et s’est rendu régulièrement à un rond-point dit des Propylées, à la périphérie de Chartres. « Je n’allais pas simplement à la rencontre d’une réalité que je connaissais peu, mais à la découverte de ce qu’ils avaient à dire publiquement : pour la première fois, ils prenaient la parole pour lancer leur vécu à la face du monde. »

« En optant pour Un peuple, j’opère un décalage. Je ne dis pas que les Gilets jaunes incarnent à eux seuls le peuple, mais j’indique qu’ils forment bien un peuple, qui se reconnaît comme tel. Les Gilets jaunes, quel que soit leur bord politique, quel que soit leur passé, se reconnaissent comme faisant partie d’un tout « Gilets jaunes », ayant des valeurs communes, et partageant la même représentation d’eux-mêmes », explique Emmanuel Gras concernant le titre de son documentaire.

Si les Gilets Jaunes se présentent comme un groupe sans leader, il fallait toutefois distinguer des individus pour les besoins du documentaire. Un processus qui s’est fait naturellement : « Je me suis rapidement rendu compte que certain·es faisaient davantage que d’autres pour la vie du groupe : organiser, prendre la parole, etc. Naturellement, j’ai tourné ma caméra vers celles et ceux-là. Au fur et à mesure, ces personnes sont devenues récurrentes, comme Agnès, Benoît ou Allan. D'autres se sont révélées en cours de tournage. Au début, Nathalie était très discrète, puis elle a pris de plus en plus la parole. Je l’ai vue éclore dans le groupe. Et c’est elle qui, par sa gentillesse, est venue vers moi. »