Quand ont voit une affiche ‘moche’ on rétorque « le cinéma français nous fais honte ».
On ne regarde plus les films on juge les bandes annonces. Le hasard, la surprise, essentielle, moteurs du cinéma sont parfois réduits à « ça ne m’a pas divertit », « je me suis ennuyé ».
Peut être que l’ennui est fertile de réflexions, peut être que la diversion, ou plus justement le détournement n’est pas la meilleure façon d’appréhender un film.
Aller voir un film en se disant (biaisant) qu’il est mauvais le rendra forcément que plus mauvais qu’il ne l’est...
Car si un film a pour seul but de détourner de l’humeur quotidienne, rendant seulement spectateur, il peut avoir également et malgré lui pour but de détourner de la capacité à agir, à réfléchir, à la révolte ou à l’imaginaire. Au sein d’un corps la tyrannie de l’œil seul, limite toute compréhension de culture ou d’art.
"L’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé s’exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit ; plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir, C’est pourquoi le spectateur ne se sent chez lui nulle part, car le spectacle est partout." (1)
Mais bon, que penser de ce film qui lie aux chars à voile de la côte d’opale, des aliens lassés d’envahir systématiquement les États Unis? Pas de naturalisme, ici tout tourne autour de la spiritualité et du manichéisme. Autour de l’ennui du Nord et du divertissement du sabre laser, ou du charabia policier et de la lutte interstellaire volontairement bateau.
L’horizon est parodique, son aube est mortifère. Car oui qu’arrive-t-il après l’affrontement des manichéistes, ceux de gauche comme ceux de droite : Un bordel sans compromis, sans noms, l’anti-singularité, le Principe dans un bébé, le néant, un trou noir.
Voilà tout ce que cherche Bruno Dumont ; une réaction, une réaction par l’image, par le patois, par la côte d’Opale, par le burlesque des propos de ses antagonistes, par la naïveté du prophète Mani, en somme par une vision du cinéma. Comme dans Jeanne ou France, la narration fait preuve de déambulation, d’exagération des vices, de la malhonnêteté ; d’exagération de la naïveté ou de la vacuité.
« C’est drôle de marcher sans aucun but dans la nuit. Ou plutôt, c’est drôle ce que les autres appellent des buts, les choses qu’ils croient devoir faire » (2)
L’Empire n’est pas une parodie de Star Wars ou de Dune ; il est une réflexion dans notre façon de consommer du film, ou le cahier des charges signe qu’il ne faut pas s’ennuyer, qu’il faut une attention permanente, qu’il ne faut pas être gêné, qu’il ne faut pas trop réfléchir.
Le film
« Car le surnaturel est lui-même charnel
Et l’arbre de la grâce est raciné profond
Et plonge dans le sol et cherche jusqu’au fond. » (3)
(1) Guy Debord, La société du spectacle, 1967.
(2) Michèle Bernstein, La nuit, 1961.
(3) Charles Péguy, Eve, 1913.