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Gladiateur
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1,5
Publiée le 2 décembre 2023
Un film qui fera le bonheur des aficionados d’un écrivain qui a vite déçu. En cela, le film est conforme à la carrière de celui pour lequel il était peut-être un peu tôt de faire un biopic : en pente douce, mais vers le vide. Un panégyrique peu inspiré, souvent enamouré à la limite de la précieuse ridicule. Ravira les plus woke de la place de Paris. Et c’est à peu près tout.
Magnifique, tout en finesse, colle à l’œuvre d’Edouard Louis sans jamais en être une simple copie conforme, le film nous embarque dans sa transformation, nous invite à faire la notre. A voir !
Eddy Bellegueule à grandi à Hallencourt (dans la Somme), d’un milieu sous-prolétaire, il va radicalement changer de vie, d’apparence et d’orientation sexuelle lorsqu’il emménagera à Amiens, loin des siens.
Après s’être raconté à travers des romans, eux-mêmes adaptés en pièce de théâtre, cette fois-ci, on le retrouve lui, ses livres et ses pièces de théâtre sur grand écran (!). Il se raconte pour la énième fois face caméra et revient sur son enfance (le décalage entre son milieu défavorisé et le milieu culturel lorsqu'il arrive à Amiens), le fait qu’il avait honte de ses origines, de sa famille et de son nom (il le change pour “Édouard Louis”).
Toute son adolescence, il a dû s'inventer un personnage, cacher qui il était, pour se fondre dans le milieu, passer d'une classe sociale à une autre pour se réinventer, pour exister. Édouard Louis est un écrivain “transfuge de classe social” qui ne laisse pas indifférent et se raconte sans fard sur son enfance difficile et les nombreux questionnements auxquels il a dû faire face. Une réflexion sociologique sur un personnage à la fois intéressant mais (trop) égocentrique pour pleinement convaincre sur la durée.
Eddy Bellegueule est né et a grandi dans l’ouest de la Somme dans une famille très modeste. Il s’y sent très vite rejeté en raison de ses manières efféminées et de son intellectualisme. Il quitte son village pour intégrer un internat à Amiens dans la section théâtre d’un lycée puis, le bac en poche, il entame des études d’histoire, avant d’intégrer l’Ecole normale supérieure. Son changement de nom à vingt-et-un ans consacre son changement de classe. Son parcours est désormais bien connu puisqu’il en a fait le sujet d’un livre autobiographique publié en 2014, très commenté par les médias, "En finir avec Eddy Bellegueule" (qui a fait en 2017 l’objet d’une adaptation à l’écran qu’Edouard Louis a reniée, "Marvin ou le Bonne Education"). Intellectuel chenu et respecté, normalien, agrégé de philosophie, qui depuis trente ans tourne des documentaires engagés sur Sloterdijk, Le Clézio, Kristeva ou Foucault, François Caillat filme aujourd’hui Edouard Louis à Amiens, de retour sur les lieux où, entre quinze et vingt ans, sa transformation s’est opérée.
Le documentaire est minimaliste. Par sa durée : une heure et douze minutes à peine. Par son contenu : on y voit Edouard Louis, timide et souriant (d’un sourire qu’il dit ne pas aimer alors qu’il est si charmant), raconter son histoire en train de déambuler devant son ancien lycée et dans la maison de la culture où il travaillait comme ouvreur pour gagner un peu d’argent.
Ceux – et ils sont nombreux – qui ont lu "En finir…." n’apprendront pas grand-chose devant ce documentaire. Quant à ceux qui ne l’ont pas lu, on leur recommandera plutôt de se plonger dans le livre que de regarder ce documentaire un peu fade. Pour autant, le parcours d’Edouard Louis et sa capacité à le théoriser sont passionnants. Edouard Louis incarne, après Annie Ernaux, et avec Didier Eribon et son Retour à Reims, l’illustration exemplaire du parcours d’un transfuge de classe, qui a fui un milieu qu’il détestait et qui le marginalisait, mais qui se déteste de détester les siens et cultive éternellement la culpabilité de la trahison de ses origines.
Cette tension paranoïaque est parfaitement expliquée dans ce film. Eddy Bellegueule a grandi dans un milieu qui ne lui correspondait pas. Il s’en est affranchi pour se réaliser. Mais cette transformation a eu un coût : celui de sa trahison pour sa classe dont il se sent solidaire et pour les siens avec lesquels il se sent indissolublement lié. C’est d’ailleurs le sujet de deux de ses livres ultérieurs : "Qui a tué mon père" en 2018 et "Combats et métamorphoses d’une femme" en 2021.