Privatisation.
Et voici le premier film américain de Verhoeven. Et c’est aussi son premier film orienté SF, disons plutôt anticipation. Succès immense en son temps, faut-il encore le présenter ? Nous sommes en 2043 à Detroit. La ville file un mauvais coton depuis un moment et chaque rue est devenue un coupe-gorge. Ce décor montre un échec politique qui permet à un conglomérat militaro-industriel (armement, nouvelles technologies, médical …) de prendre très officiellement le contrôle de la police. Ce même conglomérat a pour projet de créer une ville nouvelle, genre d’utopie immobilière où régnerait l’ordre et la sécurité. Pour ce faire, il travaille beaucoup sur l’intelligence artificielle et la robotique pour créer le flic du futur. Pendant ce temps-là, une nouvelle recrue à deux doigts de la mort va servir de cobaye et de prototype de nouveau flic, mi-homme, mi-robot, programmé pour ne plus penser par lui-même mais selon les intérêts de ses propriétaires. On le sent bien, c’est sous surveillance que Verhoeven traite son sujet. Point de poitrines opulentes libérées et de décapitations dans ce métrage destiné prioritairement au marché américain. Pour autant, on y retrouve certaines thématiques propres au ciné de Verhoeven. Robocop interroge l’autorité et les moyens de contrôler la violence de la société. C’est bien l’échec de la puissance publique qui laisse la place à un système fait de corruption et de conflits d’intérêt. Cette course à la sécurité ou à son ressenti ou sentiment est orchestrée par une entreprise qui gagne à être à la fois le pompier et le pyromane. Point de bien collectif donc. La chose publique est une chose privée et une marchandise. Dans ce monde, la thune, la marchandisation et la violence sont au centre de tout et envahissent les petits écrans omniprésents, sorte d’hypnose collective. S’il est indéniable que tout ça sent bon les années 1980, ça reste tout à fait regardable si on accepte le style de l’époque. Ainsi, la violence y est assez crue, les méchants sont parfaitement patibulaires et les poncifs sont tous présents (le braquage minable de la supérette, la demoiselle qui échappe au viol …). On aimera les décors, représentation réaliste d’un futur proche. On aimera aussi la partition musicale de Poledouris, en phase. Enfin, on appréciera toujours la présence de Nancy Allen. En bref, un bon film d’action, vaguement politique qui n’a certes pas la force des Verhoeven passés et à venir mais qui reste un bon moment.