Moustaches Gracias, Quentin ! Plus encore que les moustaches de Daaaaaali (prenez votre temps sur le "a"), Quentin Dupieux frise l'impertinence en continuant d'être un brillant metteur en scène, qui ne semble même pas le savoir (on sent qu'il s'amuse). Daaaaaali est encore une fois une petite merveille d'idées narratives et visuelles (l'esprit fou de Dali, ou de Dupieux ? Un peu des deux !), nourri d'un surréalisme qui rend hommage à un bon nombre des toiles du Maître (vous n'avez jamais visité les musées espagnols ? : vous avez l'âme de Dali en 1h10), un humour timbré (notre préféré : le "couloir de l'infini"), un montage qui reprend beaucoup de son Réalité (les mises en abimes de l'impossible), et évidemment un panel de six acteurs pour interpréter le peintre (en ayant carte blanche pour leur jeu : Edouard Baer et Jonathan Cohen sont possédés). Un peu comme si le I'm Not There (les six acteurs qui jouent Bob Dylan tour-à-tour dans son biopic) de Todd Haynes avait oublié d'être long et guindé, et ne faisait qu'une heure (pour n'avoir pas le temps de faire du gras), ce Daaaaaali prend le contrepoint de la biographie classique. Pas de dates, pas de portrait de vie linéaire, pas de fin (on voit la version âgée du peintre dès le début), non, et pourtant, on l'impression d'avoir tout compris du gars : un peintre fou assez génial, mais un odieux narcissique doublé d'un opportuniste en réalité. La phobie du temps qui passe, check, les œufs et les moustaches, check, sa façon de mettre son nom sur le travail des autres (ce qui le faisait disputer avec Bunuel et Garcia Lorca), check, son caractère de diva absolue, plus que check. On s'est enflammé pour les Dali de Baer et Cohen, en roue libre (appelez un exorciste), on s'est un peu moins fait convaincre par les versions de Gilles Lellouche et Pio Marmai (en même temps, on ne les voit que cinq minutes), et on s'est attendri pour cette version plus calme, fragile, sensible de Didier Flamand (en parfaite opposition aux autres versions fantasques et surexcitées). Pour atteindre le quota des "six", Dupieux rajoute une mini-interprétation de quelques secondes par Boris Gillot, là encore un pied-de-nez qui nous dit "Je fais ce que je veux, moi ça m'amuse d'avoir un mini-Dali de 5 secondes" (et nous aussi, on aime cette idée qui va à l'encontre de nos attentes). On mentionne aussi la petite musique à la guitare qui est vraiment très sympa, la solaire Anaïs Dumoustier qui arrive à tenir les brides des acteurs masculins (foufous) sans se laisser marcher sur les pieds, un petit rôle pour Romain Duris qui nous a bien fait rire aussi (avec son délire sur les boulangères, et une critique acerbe du financement des films qui sent vraiment le vécu...), un running-gag du curé et du cowboy dont on se demande ce que cela fiche là (et qu'on n'enlèverait pour rien au monde)... La salle de cinéma était pleine (après une première semaine timide, le bouche-à-oreille cartonne), et la petite musique de cordes grattées et les "Daaaaaali" (aux "a" interminables hilarants : on ne veut plus le dire que comme ça) se sont trouvés ponctués de gloussements étonnés (les novices de Dupieux, qui ont la chance d'avoir tant à découvrir), de rires décomplexés ("Même dans les rêves des autres, la petite Française vient m'emm*rder." : salve de rires), et par ce qui ne s'entend pas : une admiration certaine pour l'étrange absurdité qui fait le charme de Daaa...euh, Dupieux.