Peu de temps après « Le Dernier sou » et « Le Dossier noir », je continue de découvrir la filmographie d'André Cayatte avec « Le Passage du Rhin », le moins réussi des trois. Je ne conteste pas la pertinence du projet : raconter l'avant, le « pendant » et l'après-guerre hors champ de bataille (pas une scène de combats), en s'arrêtant sur les prisonniers français en Allemagne placés dans des maisons pour y travailler. C'est à la fois sa force et sa faiblesse. D'un côté, cela lui donne une singularité, le manichéisme étant souvent soigneusement évité durant la partie allemande. De l'autre, alors que cette idée de récit parallèle entre les deux pays ennemis semblait bonne (l'un « emprisonné », l'autre ayant réussi à s'évader), elle a du mal à trouver un équilibre, ni l'une ni l'autre ne se révélant vraiment passionnante. Il y a bien quelques scènes retenant notre attention, mais j'ai eu tendance à m'ennuyer légèrement, Cayatte ayant beaucoup de mal à trouver une dynamique narrative, sa mise en scène certes appliquée, soignée mais sans réelles idées ni souffle ne faisant qu'accentuer cette impression. Quelques pistes intéressantes, tout de même : sans être vraiment subtil, ce dilemme entre amour et engagement est plutôt bien vu, et si on a du mal à y croire (les mecs mettant des tartes au nana leur tombant dans les bras deux secondes après, je ne supporte plus), le propos reste pertinent, comme le portrait de cette ambitieuse gardant une forme de morale, même si, là encore, le trait aurait pu être plus fin. C'est d'ailleurs un peu ça qui est frustrant : les bases sont là, les intentions sont bonnes, le regard est juste et sans patriotisme déplacé, mais la façon dont est pensé, construit le récit ne prend pas, avec trop de maladresses et de pesanteur pour susciter l'adhésion, le « style » Cayatte n'ayant pas très bien vieilli. Reste ce regard sur la notion de patriotisme ou plus simplement de liberté, d'aspirer à une vie meilleure (qui n'est pas toujours celle qu'on aurait imaginé) : à ce titre, les dernières minutes sont probablement les plus réussies. J'ai enfin pris du plaisir à regarder, trouvant un sens à ce qui était exprimé, évitant (à peu près) le mélo et faisant preuve de suggestivité, de trop montrer en se focalisant sur
les retrouvailles des deux compagnons dont les chemins vont, définitivement, se séparer
: de l'importance de terminer sur une bonne note. Interprétation restée célèbre de Charles Aznavour (honorable), correctement entouré par le (trop) viril Georges Rivière et la jolie Nicole Courcel, au phrasé très « bardotien ». Au moins est-ce un film qui prête à discussion, débat, plutôt singulier dans son approche de la guerre pour l'époque, à défaut de susciter l'enthousiasme, voire de provoquer l'ennui, donc, faute, entre autres, d'un réel auteur derrière la caméra.