Film sorti à la fin du Front populaire, La Marseillaise est un film que l’on peut considérer comme propagandiste. En effet, il fut financé grâce à une souscription lancée par la CGT et présente la Révolution française sous un jour étonnamment angélique.
Ainsi, le peuple tout entier semble soutenir la Révolution même les soldats
(l’Armée du Roi se rend trop facilement lors de la prise du Fort de Marseille)
et les prêtres
(le curé pauvre critiquant l’évêque riche et débauché ; Arnaud expliquant qu’il ne faut pas oublier tout ce que les prêtres ont apportés à la Révolution)
éludant par la même occasion les massacres que subit le clergé à cette époque et le fait qu’une bonne partie des paysans, souvent très croyants, rejetait la Révolution, notamment en Vendée. De même, La Marseillaise (qui se nomme encore Chant de guerre pour l’armée du Rhin) est chantée extrêmement rapidement par l’Armée entière, qui n’arrête pas de débattre à son sujet. Le film ayant été créé dans le but de faire un parallèle avec le Front populaire (Renoir avoua avoir choisi cette période car, pensant que trouver des financements pour un film sur le Front populaire serait impossible, elle était celle qui l’évoquait le plus), il se permet ainsi des dialogues correspondant plus à la période de sa réalisation qu’à l’époque où est situé le film (le royaliste répondant à « Vive la Nation » par « Vive la Droite ») et une accumulation de discours idéologiques peu crédibles.
Malgré tout, Renoir arrive parfois à éviter le manichéisme. Ainsi, il montre Louis XVI comme étant un roi pouvant comprendre certaines revendications des révolutionnaires et surtout étant critique vis-à-vis du comportement de son entourage, parmi lequel se trouve Marie-Antoinette beaucoup plus opposée aux révolutionnaires que son mari. Outre le fait que ces types d’attitudes sont surement assez proches de la réalité, les séquences mettant en scène Louis XVI deviennent, par leur absence de manichéisme, souvent parmi les plus intéressantes. Pour ce qui est du mouvement révolutionnaire même, Renoir ne se permet qu’une seule petite critique, cependant assez significative, lorsque Bomier souligne le fait qu’on ne peut pas s’engager dans l’Armée si on est pauvre ou que l’on a des dettes, aspect qui est en contradiction avec l’esprit égalitaire qui motive le mouvement révolutionnaire. Enfin, alors qu’il a précautionneusement évité de montrer toutes séquences violentes (il évite soigneusement de montrer les évènements marquants de cette époque, tel la Prise de la Bastille qui n’est évoquée que par son annonce au Roi, et se concentre surtout sur la vision qu’en possède des personnes se trouvant loin de ceux-ci), Renoir semble tout à coup réaliser, à la fin du film, que cette période a également été très violente en tournant la séquence du combat des Tuileries qui tourne au carnage et au cours duquel Bomier perdra la vie, terminant ainsi le film sur une note pessimiste en contradiction avec la vision angélique qui prévalait jusqu’alors.
Malgré le peu de crédibilité de sa représentation de la Révolution française (il suffit de le comparer à La Révolution française de Robert Enrico et de Richard T. Heffron), Jean Renoir peut toutefois séduire le public en utilisant de très bons acteurs (Edmond Ardisson, Pierre Renoir, Andrex ou encore Louis Jouvet) et par certaines astuces de réalisation plaisantes (les soldats du Roi qui tirent face caméra donnant l’impression de tirer sur le public du film, plan qui sera de nouveau répété cette fois avec l’Armée révolutionnaire mais dont la violence est atténuée par le fait que la caméra est plus surélevée cette fois-ci).
Ainsi, même si La Marseillaise montre le talent de directeur d’acteurs et de chef de troupe de Jean Renoir, son aspect trop simpliste et surtout trop propagandiste l’empêche de figurer parmi les meilleures œuvres du cinéaste tout en restant plaisant à regarder.