Tout, dans ce film, est magnifique.
C'est un poème qui dure deux heures, deux heures durant lesquelles le spectateur est en phase, perdu parmi ce rêve éveillé. entraîné avec la même légèreté que les véhicules montrés, on se laisse entièrement plonger dans cet univers steampunk mais lumineux.
Les personnages, pourtant, peuvent paraître clichés au premier abord : Pazu, par exemple, archétype du héros miyazakien, toujours gentil et déterminé, ne penchant jamais du mauvais côté de la balance. Et pourtant, il a quelques défauts :
Par une habile manipulation du méchant, il laisse Sheeta aux mains des ennemis
, et, dans le feu de l'action, oublie de recharger son fusil. Sheeta, quand à elle, est la seule princesse de la filmographie de Miyazaki qui ne soit pas une guerrière : contrairement à Nausicäa ou San, elle est ne sait pas se battre et ne souhaite que retourner à Gondoa, sorte d'allégorie naturelle, de paradis, dans le peu de temps où il est montré. Son innocence contraste avec Dola, la chef pirate, qui sert de femme indépendante et forte, personnage récurent chez Miyazaki. D'abord présentée comme
une antagoniste, elle devient attachante au fil du film, avec ses fils, qui servent à mettre une légère touche de comique.
Mais si il y a dans ce film un personnage qui n'apparaît qu'une fois dans la filmographie du japonais, c'est Muska.
Muska représente le méchant ultime, celui qui paraît gentil durant la première minute du film avant de se changer en manipulateur calculant tout ses coups de poker. Il est le personnage que l'on aime détester, l'antagoniste parfait. Son côté pervers est surtout exploité dans le milieu du film, quand il tente par plusieurs moyens polis de faire parler Sheeta.
Enfin, la touche de folie furieuse qu'il gagne avec la découverte de Laputa finalise cet excellent personnage. La sadisme dont il fait preuve dans la séquence de la salle du trône, apothéose du film, en fait l'un des meilleurs antagonistes jamais inventé. Et même sa mort est bien filmée : il perd son symbole, ses lunettes, sa vue, et l'ultime plan le montrant le dévoile perdu tandis que tout s’effondre autour de lui.
Il y a peut à dire sur les personnages secondaires : le général est une caricature -simpliste, il faut l'admettre- du militaire obsédé par l'argent et la gloire, Papy Pom fait figure de mentor pour Pazu -nous offrant au passage encore une scène magnifique-, et les pirates servent à faire rire.
Le scénario, quand à lui, est plus intéressant qu'il n'y paraît. Facilement, on peut le considérer comme une relecture de 'L'Île au Trésor", mais il n'en est pas. Miyazaki envoie un souffle antimilitariste et écologique dans cette fable se situant pourtant dans des temps modernes, quoique imaginaires. La quête paternelle pour Pazu, tenter de prouver que Laputa existe, est un peu simpliste. Mais au-delà de ces critères, le réalisateur pose plusieurs questions sur jusque où peut aller la folie de construction humaine, ou le pouvoir de l'armée, le puissance des services secrets, la technologie...
tout est résumé dans le poème poignant que dis Sheeta alors que Muska la met en joue et lui tire dessus dans la salle du trône. Les robots combattants sont un exemple de cette contre-technologie, malgré l'idée qu'une rédemption soit possible (le robot gardien des jardins)
. Qu'es donc le scénario de ce film ? Une histoire belle, poignante, qui pose plusieurs questions sur nos sociétés sans que l'on s'en rende compte.
Coté visuel, pratiquement chaque plan est un tableau. On le comprend dès le générique, cet enchevêtrement de vaisseaux volants allégoriques et tous des plus beaux. Tel le château, le film est planant, alternant plans magnifiques sur plans magnifiques. D'abord, juste après le générique, la chute de Sheeta nous fait sauter à pieds joints dans la poésie de ce monument : parfaitement accordés avec la musique de Joe Hisaishi -je vais y revenir-, ils sont beaux à faire pleurer. Et les moments de ce style se succèdent :
La descente en volant dans le puis de mine, La grotte aux cristaux, la détentions de Sheeta, la destruction du robot -magnifique, en prend en pitié cet être destructeur juste avant sa mort-, le survol de la vallée de Pazu, la découverte de Laputa, la salle du trône...
Toutes ces séquences sont dessinées d'une main de maître, avec un sens du détail et du réalisme égal à celui de la poésie. On fait état également d'un symbolisme -cher à Miyazaki- omniprésent. Enfin, quelques détails bienvenus s'ajoutent à la liste, tel que
le moment où Pazu se brûle avec son café en arrière-plan quand Sheeta discute avec Papy Pom.
On ne peut parler du château dans le ciel, ou de la filmographie de Miyazaki en général, sans parler de la musique composée par Joe Hisaishi. Belle. Triste. en un mot : Inégalée. Peut de fois dans le cinéma, la musique a été aussi belle et aussi raccord avec le film. Elle se tait quand on n'a pas besoin d'elle, mais revient de plus belle quand on a besoin d'elle. Le thème principal, repris dans le vent se lève, est excellent dans les deux films. Si la musique était inexistante, le film en aurait été gravement appauvris : il suffit d'imaginer les séquences citées au-dessus sans celle-ci.
Alors, comment conclure sur "Le Château dans le Ciel" ? C'est un film à voir absolument, un monument du septième art. Pour le premier film produit par les studios Ghibli, il annonce déjà les chef-d’œuvres à venir, en étant plus haut que certains. Miyazaki témoigne ici de toute la beauté du cinéma et de l'animation, fait appel à nos sentiments, tout en restant dans un cadre ultra-réaliste dans un monde qui ne l'es pourtant pas. En découle une invitation à plonger dans ce monde, à compatir avec les personnages, à les aimer, les détester, et l'un des -si ce n'est le- plus grands films d'animation jamais fait.