Sous le choc du 11 Septembre, l'un (sinon le ?) des cinéastes politiques et sociaux américains les plus virulents signe une fable fataliste sur l'innocence que l'Amérique a depuis longtemps perdu, et sur celle, de façade, que l'attentat des tours jumelles a explosé, plaçant un peuple et une nation face à ses erreurs et ses faiblesses. Car oui, à travers cette histoire d'un Edward Norton qui vit ses dernières heures en liberté, c'est celle de toute une époque en sursis qu'on devine, par le biais de personnages constamment rattrapés par le remords et incapables se se tourner vers l'avant. Si certains d'entre eux croient toujours à l'idéal de vie et de valeurs offert par les Etats-Unis, Spike Lee ne se gêne pas pour envelopper leurs raisonnements d'une chape de pessimisme étouffante, grimant leurs illusions d'une touche de naïveté qui les réduit aussitôt à néant.
Il n'y a qu'à voir la scène des retrouvailles entre Naturelle et Monty imaginée par le père de celui-ci, et son accolade montrée plusieurs fois comme en trois prises différentes, pour comprendre que ce possible happy-end n'est que jeu, illusion.
Un message fataliste, accompagné d'une musique qui ne choisit pas la facilité dépressive, mais distille quand même une certaine morosité par une impression de gravité tendue. Un écho à celle de Rosario Dawson, du très bon Barry Pepper et de Philip Seymour Hoffman, qui cherchent sans relâche quelles erreurs de leur part ou de la sienne ont amené leur amant et ami au point de non retour. Sans l'épouser vraiment, le film charrie toute la contrition du Monde, ce qui lui donne sans problème cette force dépressive qui sonne comme un avertissement autant pour tout un chacun que pour les Etats-Unis. De deuxième chance, on en a rarement. La 25ème heure, espace temporel reclus comme une prison, est bel et bien le lot de ceux qui ne s'amendent pas à temps, et le film auquel Spike Lee a donné ce nom ne se prive pas de le rappeler sans prendre de gants.