Après le bouleversant "The Searchers", je voulais, que dis-je, je me devais de voir un autre Ford. Car, lorsque l'on réalise un film pareil, à la fois sublime et tétanisant de bout en bout, cela ne peut pas être un coup de chance. Il fallait donc que j'explore le reste de la filmographie de Ford, dans l'espoir, un peu illusoire je l'admet, de retrouver ce qui rendait "The Searchers" si marquant. Et, malgré quelques réticences, "The Man Who Shot Liberty Valance" est l'oeuvre de la confirmation.
Car, une fois encore, s'empare du western classique pour l'emmener plus loin.
Plus loin dans la mise en scène pour commencer, avec l'efficacité, la beauté et l'économie du spectaculaire qui lui est propre, car lorsqu'il décide de céder aux mouvements de caméra vertigineux ou aux instants de montage sublimes, ce n'est jamais gratuit et on en ressort avec le sentiment d'un cinéaste qui maitrise son oeuvre et qui sait se laisser le temps de prendre l'intérêt du spectateur avant de lui donner du cinéma, de celui qui est rare et percutant et dont on est content d'avoir eu la patience de pleinement en profiter.
Plus loin dans la réflexion pour commencer, car là où il dépeignait un homme dont le monde n'avait plus utilité dans "The Searchers", il présente ici Wayne et Marvin comme les deux dernières figures d'un Ouest révolu, qui vont devoir faire place au monde civilisé, symbolisé par Stewart, dans lequel la loi du plus fort n'a plus sa place.
Cependant, Ford contrebalance la douce mélancolie de voir ce monde disparaitre, au profit d'une justice considérée comme plus humaine, par sa vision désenchanté d'une Amérique basé sur le mensonge et où la renommée d'un homme se fait, malgré ses actions justes et son activité politique, sur le meurtre d'un ancien bandit local.
C'est autour de ces deux axes que Ford va construire son récit et ses personnages, tous en nuances et en contradictions, bien que le Liberty Valance du titre peine à faire ressentir son importance et son aspect de "figure" d'un genre. Si il ne parvient pas à éviter quelques longueurs, le cinéaste parvient tout de même à captiver, car les rapports d'oppositions et de rapprochements entre les protagonistes se renouvellent constamment, créant même des scènes déchirantes à l'image de celle où Wayne comprend que Hallie n'a plus sa place avec lui et se résigne à la voir aimer Stewart.
Et c'est peut-être là le point le plus marquant du long-métrage, Tom Doniphon, interprété par un John Wayne bouleversant, éternel cow-boy prêt à tout sacrifier, que ce soit sa santé ou la femme qu'il aime, au profit de ce qu'il pense être juste. De cette manière, Ford démontre une nouvelle fois l'amour profond qu'il porte à ces personnages, cherchant parfois même le comique (hilarant Edmond O'Brien), le tout avec une compassion extrêmement touchante.
Si "The Man Who Shot Liberty Valance" ne parvient pas à atteindre le niveau de "The Searchers", car il ne possède pas le lyrisme de ce dernier et qu'il ne parvient pas à être passionnant tout du long, tout en ayant quelques défauts factuels dommageables, il reste indéniable que nous sommes face à une oeuvre à laquelle nous devons donner l'attention qu'elle mérite.