Lorsqu'on lit le synopsis de ce film, on s'attend a quelque chose de plus irrationnel, un brin fantastique et pas tres sombre. Eh bien ce n'est qu'une idee recue, car Mysterious Skin est au contraire bien plus realiste et horrible qu'il n'y parait, et traite de sujets durs, comme la pedophilie, la prostitution ou encore le viol.
Ici, elle touche les deux personnages principaux, Neil et Brian, tous deux abuses par leur coach de traumatisme les affecte autant l'un que l'autre, mais de facon radicalement differente. Neil, qui a vecu une "relation privilegiee" avec son coach (du moins c'est ce que le coach lui a laisse croire) continue dans cette voie, en se prostituant pour gagner sa vie. Brian a lui prefere tout oublier et s'enfermer dans un monde parallele. Tous deux vont ainsi finir par affronter la verite ; alors que l'un se
pose les questions, l'autre a les reponses.
Le film est magistralement mis en scene, restant sobre, avec un realisme frappant, voire parfois choquant. Il s'agit bien evidemment des scenes de pedophilie tout particulierement. Rien n'a ete devoile, Gregg Araki expliquant que les scenes etaient tournees de facon a ce que les enfants ne comprennent pas le caractere sexuel. C'est donc le montage qui permet de savoir que ces enfants sont abuses. Elles n'en restent pas moins marquantes, puisque tout passe par le regard de ces enfants, ce regard innocent qui fait tout ressentir au spectateur. Ajoutez a cela la prostitution et le viol, et vous obtienez un film psychologiquement marquant. Malgre ces scenes chocs, le film devoile une histoire saisissante, bien menee et profondement touchante. Les voix-offs utilisees notamment en premiere partie du film permettent de faire ressentir les emotions des ces deux protagonistes, de leur point de vue personnel.
Ceux-ci sont d'ailleurs interpretes par deux acteurs faisant ici leurs preuves. Le premier, Joseph Gordon-Levitt, nous bluffe par la maitrise de son role d'outsider qu'est Neil. Il livre ici une prestation remarquable, probablement la plus memorable de sa carriere, en incarnant cet adolescent torture. Brady Corbet n'a pas a rougir de sa prestation, puisqu'il est egalement excellent dans la peau de Brian, adolescent tout aussi ronge par son enfance.
Pour finir, parlons de la fin du film, qui est incontestablement la partie la plus emotionnelle. Le voile est leve, la verite devoile, mais le passe ne peut etre defait. L'emotion est d'autant plus intense lorsque les chants de Noel enchainent sur l'effroyable recit de Neil, avant de faire intervenir sa voix off. Il ne s'agit pas d'un soulagement pour les personnages de revenir ensemble sur ce traumatisme, et de le partager, mais plutot d'une liberation, qui les a hante pendant 10 ans, et qu'ils garderont le reste de leur vie. Et le spectateur parvient a le ressentir, ce sentiment indescriptible unissant Neil et Brian.
Gregg Araki nous envoie donc ici une claque magistrale, gravee dans nos memoires. Frappant, derangeant, emouvant, il nous offre egalement des acteurs aux prestations impeccables. Bref, un drame qui n'est pas pres d'etre oublie, et qui n'est pas pour les yeux de tout le monde...