L'histoire d'un fantôme de mère dans un village hors du temps, et les problèmes que cela pose à sa fille venue de la ville.
Après « La mauvaise éducation » et « Tout sur ma mère », je n'attendais plus grand chose d'Almodovar, il avait tout dit sur les homosexuels et sur leur amour inconditionnel à leur mère, avec deux chefs d'oeuvres de maturité bien loin de l'énergie de ses débuts.
En fait, face à la dizaine de réalisateurs géniaux actuellement en exercice dans le monde, il faut se souvenir que l'on est tout petit. Et bien loin de comprendre leur logique et leur talent.
Ce fut le cas pour « Million dollar baby », « She hate me », « Collateral » et quelques autres pépites dans des itinéraires toujours plus maîtrisés et insondables.
La présence de Pénélope Cruz, « petite » actrice qui n'a pas tant de films intéressant à son actif montre bien que c'est la direction d'acteur qui fait le film, pas les pantins. Elle est superbement photographiée, aucune ombre portée sur son visage, la photo est dans l'ensemble incroyablement maîtrisée. Sauf dans la scène du camion de nuit, la lumière est bien trop forte pour faire croire même à la clarté de la lune. A part ce faux pas, les images sont superbement colorées et sans ombres, tout est lumineux.
La Ford Granada rouge est du même acabit que la Citroën rouge du film précédent. Un vecteur espagnol à la Almodovar pour montrer que la nationalité n'est pas interchangeable suivant les codes du cinéma international. Le réalisateur fait un film personnel, loin des codes ou des modes, et on entre dans un monde que l'on ne peut imaginer.
La grande force de cet ouvrage est évidemment la description quasi uniquement féminine d'une société fatiguée du machisme viril. Les femmes restent entre elles, n'ont plus besoin des hommes, elles peuvent même s'en débarrasser, et on se sent finalement bien dans une atmosphère de charité, de bonté entre êtres humains. Ainsi que son corollaire, la compassion pour le malheur d'autrui et la capacité à aider son prochain. Comme Almodovar est sûrement athé, il ne faut y voir qu'un angélisme d'un humanisme rêvé. Mais comme on est entre femmes, on sait que c'est possible à un petit niveau, celui de son quotidien et son voisinage.
C'est un petit message d'espoir, à la Houellebecq, d'une société sans hommes qui serait meilleure et plus douce. C'est aussi un sujet de choix pour psychanalyser Almodovar dans son rapport homosexuel à la femme rêvée plus qu'à la pétasse qui téléphone dans sa Mini Bmw en coupant la route dans les rues de Paris et en manquant d'écraser les mamies pour éviter un feu orange.
C'est un film rêvé, d'un monde meilleur, comme seul peut le montrer un artiste.
C'est aussi un film drôle, sur des sujets graves, et totalement réaliste contrairement à ce que l'histoire du fantôme pourrait laisser penser.
Encore un très bon film, même si « La mauvaise éducation » reste, par la musique et le propos d'un niveau au dessus dans le nirvana cinématographique.
Si seulement il y avait plus de réalisateurs de cette trempe dans le monde, et pourquoi pas, on peut rêver, en France.