L'Oreille de Karel Kachyňa compte parmi les grandes réussites du cinéma tchécoslovaque des années 60-70, et est presque un film culte. C'est une tragicomédie sur la paranoïa sous l'ère communiste, qui s'empare d'un apparatchik, un vice-ministre, qui se met à paniquer avec sa femme lorsqu'ils apprennent que son supérieur vient d'être évincé, et qu'une purge à eu lieu, ses proches ayant été arrêté par le régime.
On suit alors notre anti-héros et sa femme se prendre le bec chez eux, avec quelque litres d'alcools dans le sang, se hurlant dessus alors qu'ils se savent épiés et sous écoute. La mise en scène, géniale, nous met mal à l'aise pendant tout le film, tout en faisant preuve d'une grande maestria visuelle, avec une belle gestion du noir et blanc, de l'ombre et de la lumière.
Surtout, le film sait à la fois être inquiétant et parfois très drôle, avec un humour caustique et énormément d'irrévérence politique. Il fait partie de ces films dénonçant clairement le régime communiste, comme La Plaisanterie de Jaromil Jireš, sur un scénario de Milan Kundera. L'Oreille aura la même trajectoire et sera immédiatement censuré, avant de sortir enfin en 1990, une fois le régime communiste mis à bas.
Aujourd'hui, le film peut paraître un peu désuet et ne pas verser assez dans le côté thriller. Mais c'est se tromper sur les intentions des auteurs il me semble, qui cherchent avant tout à montrer la déliquescence des êtres humains et de la société sous le joug totalitaire, les réduisant à être pire que des animaux, prêts à tout pour survivre, quitte à s'entredéchirer. En cela, L'Oreille est un film brillant et multiple, qui n'a rien perdu de sa pertinence, plus encore à notre époque où le fascisme ressurgit et où la désinformation se propage... Tout comme la peur...