Avis sur Tell me lies

Quarante ans après, ce manifeste en un temps ou la jeunesse anglaise bercée par la musique des Beatles et le pacifisme pré-Woodstock se posait des questions existentielles et politiques sur le Viêt-Nam et la guerre menée par les cousins américains, reste d’une actualité brûlante même si les protagonistes des conflits ont changé. Peter Brooks, qui est avant tout un homme de théâtre, avait choisi de mixer images d’actualité, reconstitutions et interviews fictifs en faisant appel à la fine fleur des acteurs shakespeariens du moment. Peut-être trop distancié et intellectualisé pour certains, mais toujours intelligent et sans manichéisme ni message partisan, le résultat n’est qu’une invitation à une réflexion personnelle. C’est déjà beaucoup.

À la base, il y a une pièce de théâtre intitulée US, créée non par Peter Brook lui-même, mais par Denis Cannan. S'appuyant sur quelques comédiens de la Royal Shakespeare Company, le réalisateur en propose une adaptation bien dans l'air des sixties, sur le fond comme sur la forme. Sur le fond, le film véhicule un engagement contre la guerre du Vietnam, sans se réduire pour autant à un pamphlet borné. C'est l'une de ses qualités : faire entendre différents sons de cloche sur le conflit et avancer sur le mode de la réflexion en marche, réflexion sur le sens de la guerre, les manipulations idéologiques, l'engagement politique, la responsabilité morale, le recours ou non à la violence pour faire entendre sa voix... Autre point appréciable : le fait que Tell Me Lies livre des considérations sur la guerre du Vietnam vue depuis la Grande-Bretagne, sans prétention universelle. Cet aspect contextuel est intéressant. Enfin, le film restitue bien l'agitation intellectuelle qui régnait alors. Sur la forme, on navigue entre documentaire et fiction. Le genre tient plutôt de l'essai. On songe tantôt à Peter Watkins, tantôt à Jean-Luc Godard. Le style témoigne d'une grande liberté de ton, où se mêlent longs dialogues, reconstitutions, chansons satiriques...
Tell Me Mies est une oeuvre intelligente, intéressante et inventive. On peut toutefois mettre un bémol au résultat final, dans le sens où Peter Brook s'est probablement laissé emporter par son sujet, le malaxant dans tous les sens et dans tous ses paradoxes, avec un bouillonnement intellectuel et un flot de paroles souvent captivants mais aussi parfois légèrement lassants sur la longueur. Un trop-plein qui laisse un petit sentiment de confusion, cohérent néanmoins avec les questionnements du film.

Une fiction, comme un documentaire pour dire non à la guerre (ici celle du Vietnam) tout en laissant ses partisans s’exprimer le plus démocratiquement possible. Le résultat, assez étonnant prolonge la pièce que le même Peter Brook avait montée l’année précédente à Londres. En raison de la période (1968) le film eut bien du mal à être projeté. Un DVD le remet au goût du jour, et surtout nous alerte que 45 ans plus tard, on trouve toujours des guerres à faire.

Avis Bonus Un long entretien avec le réalisateur, et la rencontre des deux protagonistes à l'origine de la restauration , une histoire qu'il faut absolument entendre ...
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Cet ovni expérimental détonne par sa ­liberté de pensée! Indispensable!

Expérimental, joyeux, iconoclaste, tels peuvent être les adjectifs qui peuvent décrire cette oeuvre étrange, souvent déroutante mais toujours intéressante. Sur un mode d'essai, on s'interroge sur les fondements de la guerre du Viet-Nâm, son inscription dans un contexte plus vaste, et du coup sur l'implication que pourrait avoir l'Angleterre dans ce conflit.

Un chef d'oeuvre d'un autre temps, d'une liberté de ton incroyable pour l'époque qu'on ne pourrait plus retrouver dans un documentaire (et d'une fiction en même temps) aujourd'hui.

Un film extraordinaire et étonnement objectif qui ouvre à une réflexion parfaitement d'actualité. La scène de la fête vaut le film à elle seule.