L’Eveil est un petit chef-d’œuvre, il faut bien avouer. Un petit chef-d’œuvre, car il a l’intelligence de tout faire avec subtilité, contrairement à ce que n’importe quel studio, scénariste ou réalisateur aurait fait si le film était sorti aujourd’hui. On aurait des messages partout, du pathos, le sujet serait prétexte à militantisme et l’humain serait oublié. Ce n’est pas le cas ici. Le film s’appuie sur des acteurs au top, même dans les seconds rôles. Pas spécialement fan de Williams, quand il est dans ce genre de rôles il est parfaitement dans son élément, et on sent à travers ce genre de rôle, le mal-être criant de l’acteur qui se confond avec ce médecin impuissant à réellement ramener la vie. Face à lui, Robert de Niro est magistral dans un rôle complexe, et autour de ce duo, d’excellents interprètes évoluent en campant des personnages qui ont tous leur personnalité, leur style, leurs passions, et qui s’avèrent, en définitive, tous attachants.
Le scénario est excellent. S’appuyant sur une histoire vraie, cela en facilite inévitablement la crédibilité et le réalisme, mais le film dépasse le simple témoignage, pour s’intéresser vraiment aux sentiments, aux émotions, à la dimension humaine qui aurait pu disparaître derrière le contexte hospitalier, médical, presque carcéral. Les 2 heures filent sans temps mort, il y a du dramatique bien sûr, mais aussi des moments plus humoristiques, et même un certain sens de l’onirisme, notamment lors d’un passage orageux. L’Eveil est à l’image de son titre, très poétique, non sans mettre de côté la réalité d’une maladie méconnue qui a largement sévi dans le premier quart du XXe siècle et pour des raisons encore mystérieuses. Je dirais que l’intrigue ne réserve pas d’énormes surprises, mais tout est vraiment passionnant et d’une simplicité remarquable. La narration est d'une fluidité parfaite, et rien n'est de trop, ou de ne pas assez.
La simplicité c’est encore ce qui transparaît dans la forme. Il n’y a aucune esbroufe dans la mise en scène. La caméra est là, elle arpente les couloirs de cet hôpital, elle est proche des gens, proche des regards, il y a un côté très intimiste dans la mise en scène qui nous rend également acteur du microcosme de l’hôpital. Le film a par ailleurs très bien vieilli, et je crois même que la patine des années 1990, cette photographie un peu claire, pelliculée, apporte un charme supplémentaire au métrage. A noter l’excellente bande son. Randy Newman a lui aussi fait simple, sans emphase, et c’était le meilleur choix, elle est très émouvante et participe de la qualité du métrage, indubitablement.
L’Eveil est un film évidemment tragique, qu’il faut voir en s’en doutant un peu, mais c’est aussi un brillant morceau de cinéma, et la preuve que ce genre de sujet s’accommode de la sobriété. Preuve aussi qu’un biopic ou un film inspiré d’une histoire vraie ne doit pas se confondre avec le documentaire comme c’est trop souvent le cas, mais aller au-delà, et souvent, au-delà, c’est amener toutes les émotions et les sentiments qu’un regard objectif peut étouffer. L’Eveil réussit parfaitement à les amener. 5.