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    Charulata
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    17 critiques spectateurs

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    Anaxagore
    Anaxagore

    114 abonnés 135 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 9 octobre 2006
    Bon sang, ce que ce film est beau!!!! «Charulata» (1964) de Satyajit Ray est l'un des portraits de femme les plus profonds et les plus sensibles que l'histoire du cinéma nous ait offert. Le réalisateur indien y explore les recoins les plus dissimulés de l'âme de son héroïne avec une tendresse, une délicatesse, un goût exquis, une pudeur jamais pris en défaut. Il nous gratifie par la même occasion d'une hymne à l'amour et à la fidélité conjugales, sans aucun moralisme étroit ni didactisme pesant. Mais ce cinéma intensément humain, qui traque, dans l'expression d'un regard et à travers la moindre inflexion d'un visage, les mouvements les plus secrets des coeurs, ne serait rien sans la maîtrise éblouissante dont Ray fait preuve dans l'art de la mise en scène. Son film est profondément musical par son organisation tout à fait remarquable du temps. Son rythme épouse en effet tout à la fois celui des émotions des personnages et celui de la musique du film, en symbiose parfaite l'un avec l'autre. C'est d'ailleurs Ray lui-même qui, comme dans beaucoup de ses films, a composé les pièces musicales et les chants dans le style de la musique traditionnelle indienne. On évoquera deux scènes splendides qui justifient à elles seules le visionnage: d'abord la longue scène initiale, totalement dépourvue de paroles, où Charu furète de gauche et de droite dans les pièces de sa grande demeure et qui nous révèle davantage sur sa psychologie que mille discours; ensuite la merveilleuse scène de la balançoire, qui est d'une beauté sans pareille et d'une intensité émotionnelle extraordinaire. Qu'on se le dise! «Charulata» est un monument de poésie qui sera chéri par toutes celles et tous ceux qui ne sont pas devenus sourds à la musique de l'âme.
    anonyme
    Un visiteur
    4,5
    Publiée le 12 juillet 2012
    Excellent film. Oeuvre d'une justesse et d'une sensibilité remarquable. Film sur l'amour, l'art, la femme, la vérité, la société... Satyajit Ray, réalisateur indien de génie, confère à chaque image, chaque parole, chaque geste, chaque son une dimension poétique remarquable. C'est dans la fameuse phrase de Jean Renoir que l'on retrouve tout le génie de Ray : "Ce qui fait l'artiste ce n'est pas l'histoire qu'il raconte mais la manière dont il la raconte". Histoire banale, à priori, qui prend un sens considérable et unique par l'intermédiaire de la caméra de Ray et provoque des émotions au sein même du spectateur. Histoire d'une femme mariée, munie d'un talent artistique, qui tombe amoureuse d'un jeune homme. A ce propos, la scène de la balançoire est remarquable pour sa mise en scène et demeure certainement la meilleure scène du film. A travers son amour pour le jeune homme, Satyajit Ray peint le portrait de son personnage principale "Charulata" et réfléchit en même temps sur l'art. La mise en scène est un excellent niveau. La gestion du mouvement est originale et aboutie. Les plans sont très bien construits et possèdent une qualité esthétique inestimable. Les acteurs sont très bons, très touchant chacun dans leurs spécificités. La musique, excellente pour sa qualité mais également pour son utilisation : les passages chantés figurent parmi les réels atouts de l'oeuvre. Ce qui frappe également dans le film, c'est l'opposition entre la vérité et l'art. Le mari de Charulata prétend donner la vérité dans son journal alors que les artistes ne sont pas capables de la transmettre. Or c'est dans un moment d'émotions intenses, que Charulata va composer et écrire sa nouvelle. C'est à dire, c'est en ressentant la vérité de ses sentiments que l'art va permettre de se développer et de libérer sur le papier ces sentiments réels enfouis en elle. Sans le dire, Satyajit Ray réalise une des plus belles séquences du cinéma sur l'art. Excellent film donc. A voir pour ceux qui sauront en apprécier la beauté.
    Antonin T.
    Antonin T.

    37 abonnés 48 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 17 avril 2013
    Adaptation d'un récit du grand Poète Tagore, Charulata est un magnifique portrait de femme. Dans la conduite du récit, les sentiment les plus subtils sont traduit par l'image et le son, les geste, les visage, les posture souligne mieux que des commentaires ou des dialogues la force des sentiment.
    Arthur Debussy
    Arthur Debussy

    128 abonnés 675 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 23 avril 2017
    Enfin! Enfin il m'est donné d'assister à la pleine expression du talent de Satiyajit Ray! Et quel talent! Sa maîtrise du cinématographe est totale : mise en scène, direction d'acteurs, musique, scénario, rythme, tout y est digne d'éloges! Voilà assurément du grand cinéma, et d'une beauté! La qualité, la finesse de son écriture, la subtilité de ce personnage de femme sont absolument bouleversantes. Mais là où dans certains de ses films il n'y était pas arrivé, Ray confère ici à tous ses autres personnages une vie et un intérêt propres! Il y a certes la figure de Charulata, femme intelligente, belle, rêveuse et déterminée, mais aussi celle tragique de son mari qui ne la comprend que trop tard, et puis celle du cousin de ce dernier, être cultivé et sensible, trop sans doute... Voilà pour les principaux protagonistes. Mais l'on ne peux pas parler de «Charulata» sans évoquer sa forme : mouvements d'appareil d'une grâce sans pareille, photographie somptueuse, sens du mouvement et du cadrage exquis... Satyajit Ray était diablement inspiré quand il a réalisé ce remarquable long métrage! Il a même composé la musique, d'une beauté décidément au diapason du reste de l'oeuvre! L'art du cinéaste indien est ici au plus haut, et son utilisation prodigieuse de l'image le place parmi les plus grands! Il se paye même le luxe d'apporter une réflexion sur l'art et son influence, son rôle vis-à-vis de l'homme et dans la société... Une merveille, un chef-d'oeuvre à voir absolument! [4/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/
     Kurosawa
    Kurosawa

    512 abonnés 1 509 critiques Suivre son activité

    2,5
    Publiée le 18 août 2015
    Dans "Charulata", Satyajit Ray met en scène le trio amoureux en mêlant sentiments et littérature, avec une virtuosité perfectionniste qui semble plus être une fin en soi qu'un moyen de servir le propos. L'entrée en matière est pourtant intéressante, avec un ton léger et quelques belles inspirations formelles (la scène de la balançoire) qui rendent compte avec ingéniosité des rêves et des motivations des personnages. Pourtant, le film ne parvient pas à faire évoluer sa tension dramatique en instaurant un faux-rythme qui fait perdre tout attachement aux personnages et tout intérêt à leur issue. Au final, le film se révèle peu émouvant, malgré une fin à la fois simple et subtile, mais ne me décourage pas de découvrir d'autres longs-métrages du cinéaste.
    weihnachtsmann
    weihnachtsmann

    916 abonnés 4 837 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 3 mars 2016
    Une femme délaissée. Un mari crédule. Le charme de la séduction et l'art de jouer les effarouchées. L'action se constitue de petits détails et de regards. Mais ce n'est pas simplement contemplatif. Film profond sur les sentiments. Très beau thème mêlé de la littérature et de l'amour. Elle ne veut plus écrire car cela révèle en elle les sentiments cachés qu'elle éprouve.
    TTNOUGAT
    TTNOUGAT

    516 abonnés 2 526 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 16 décembre 2014
    C'est du magnifique cinéma, il est impossible de dire le contraire tant la mise en scène est belle, les acteurs parfaitement dirigés et la bande sonore adaptée à chaque instant. Pourtant, une fois de plus avec Satyajit Ray, je n'adhère pas au scénario trop éloigné de ma culture classique française. Charulata est pour moi une femme gâtée, oisive et totalement égoïste, ne mettant sa sensibilité, sa passion et sa profondeur qu'à son propre usage. A l'inverse, son mari est un homme admirable qui subira deux grosses déceptions à cause de sa générosité. Ray prend bien soin au début du film de nous montrer combien Bhupati aime son épouse, il lui fait dire même qu'à elle seule, elle  rempli de bonheur sa maison. Certes, passionné par son journal qui est plus un loisir qu'un travail, le mari ne prête pas à son épouse l'attention qu'elle en attend. Mais pourquoi donc ne lui fait elle pas savoir ? La timidité et la pudeur ont des imites. Que Charulata tombe amoureuse de Amal (pourtant très jeune et neveu de Bhupati) peut se comprendre mais que cela devienne autant passionnel au point de lui offrir les mules brodées qu'elle destinait à son époux puis d'avoir une crise de désespoir lors de son départ, cela est trop pour moi. De plus,  Charulata nanti intellectuellement traite durement son domestique beaucoup moins cultivé, elle n'aura non plus aucun remord d'avoir laissé introduire dans sa maison son voleur de frère, elle publiera un texte en secret dans un journal concurrent, bref je ne lui vois aucune qualité d'épouse.  Pour revenir au cinéma, Satyajit Ray filme Madhabi Mukherjee avec un amour non dissimulé, ce qui m'a totalement dérouté. Pourquoi choisir un tel personnage et la rendre si belle extérieurement? Alors qu'au final elle ne montrera aucun état âme à offrir à son mari, en guise de réconciliation, les mules dont j'ai parlé plus haut et que Amal avait hésité à emporter... Charulata n'aura donc pas ma cinquième étoile pour des raisons personnelles affectives.
    Plume231
    Plume231

    3 472 abonnés 4 639 critiques Suivre son activité

    2,0
    Publiée le 28 août 2013
    J'adore le cinéma de Satyajit Ray. La trilogie d'"Apu", en particulier le premier volet "La Complainte du sentier" qui est une merveille absolue et un chef d'oeuvre de lyrisme, est très captivante, attachante et émouvante. Mais là j'avoue ne pas avoir adhéré. Certes le cadre est plus confiné et les personnages moins nombreux, mais ces critères n'ont pas empêché de donner une autre réussite à savoir "Le Salon du musique", l'actrice a une physique attirant et photogénique, les personnages sont à mille lieues d'être des caricatures ainsi que leurs relations, il y a des détails subtils, un hommage pas forcément très à sa place à Jean Renoir avec la séquence de la balançoire, mais l'ensemble manque singulièrement d'intensité et pêche parfois par excès de prétention à l'instar du plan final qui aurait gagné à laisser l'ensemble plus ouvert en n'étant pas fixe et en n'affichant pas un commentaire didactique. On peut aussi ajouter par-ci par-là quelques longueurs. Pourtant considéré comme une de ses plus grandes œuvres, j'avoue que pour la première fois Satyajit Ray m'a déçu.
    anonyme
    Un visiteur
    4,0
    Publiée le 27 avril 2008
    Bien qu'Anaxagore est un critique hors-pair, je n'arrive pas à mettre quatre étoile à Charulata. J'explique pourquoi: certaines séquences sont, il faut le dire sont vraiment longues. J'en suis donc sorti vraiment partagé. Disons les choses clairement: la musique est somptueuse, la scène d'introduction saisissante, la fin plus que surprenante et originale mais elle tarde tout de même à venir. Enfin on peut sûrement retenir de Charulata cette scène magnifique: Charu se balançant, insouciante. J'espère avoir justifié mon trois étoiles et que Ray ne m'en veuille pas !
    anonyme
    Un visiteur
    5,0
    Publiée le 5 janvier 2017
    L' un des plus grand classiques de l histoire du cinéma . Un personnage féminin si raffine et fort , si profondément humain et si compréhensible que l'on peut l'oublier . Il me suit , vit avec moi depuis plus 36 ans que j'ai vu ce film en Inde a Bangalore . C'est une expérience poétique d'une telle profondeur que seuls les chefs d'œuvre vous permettent de vivre .
    Jrk N
    Jrk N

    33 abonnés 238 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 3 décembre 2018
    Parmi les grands portraits de femmes qui sont aussi de grands filmsun certain nombre s’inspirent plus ou moins de Madame Bovary.
    Explicitement pour La Fille de Ryan (1970) où Sarah Miles, insatisfaite, est magique.
    Explicitement pour le roman de Fontane Effi Briest, jeune mariée délaissée magnifiquement interprétée par Hanna Schygulla en 1974 (le meilleur Fassbinder).
    Mais à mon avis le grand portrait de femme au cinéma, c’est l’adaptation de la nouvelle de Tagore Le Nid Brisé (1901) par Satyajit Ray en 1964 sous le titre Charulata.
    Charu est l’épouse d’un intellectuel libéral indien des années 1870 qui la délaisse pour publier son journal liberal The sentinel. L’interprétation sublime de Madhabi Mukherjee (22 ans alors) qui fut ensuite identifiée à son héroïne en fait une anti-Madame Bovary (Tagore admirait Flaubert qu’il connaissait bien). A travers sa relation avec son jeune beau-frère, poète superficiel et paresseux mais aux grandes ambitions, qui habite leur grande maison (Amal, 27 ans, joué par Soumitra Chatterjee, acteur fétiche de S Ray), elle se réalise et modifie son couple. Le mari inattentif de Charulata (excellent Shailen Mukherjee) confie à Amal le soin d’épanouir le talent littéraire de son épouse. Cela réussit au-delà de ses espérances puisse que Charulata devient auteur d’une belle nouvelle sur son enfance spoiler:
    , tombe amoureuse du jeune homme qui fuit tandis que les projets de son mari sont bouleversés par une soudaine trahison spoiler:
    .
    Satyajit Ray (qui est aussi compositeur, graphiste, écrivain etc) crée pour ce film une musique traditionnelle qui contribue à présenter la contradiction entre l’anglophilie des bourgeois de Calcutta progressistes partisan de Gladstone et leur attachement à leur patrie et leur culture (en particulier au réformisme brahmoïsme de Ram Mohan Roy qui cherchait une synthèse entre une renaissance bengalie et la démocratie occidentale), ce qui est d’ailleurs loin du nationalisme ou de l’indépendantisme. Le grand chef opérateur Subrata Mitra utilise la profondeur de champ pour photographier les relations tchekhoviennes entre les trois protagonistes, lui donnant un style nettement wellesien, mais apaisé.
    On se souvient toute sa vie de scènes à l’indicible beauté de ce film : Charulata observant la rue avec ses lunettes de théâtre, Charu sur la balançoire regardant Amal, les femmes s’ennuyant dans la grande maison bourgeoise, Charulata écrivant sa nouvelle puis pleurant le départ d’Amal, les amis de son mari fêtant l’élection de Gladstone par un concert, Charulata et son mari à la plage etc.
    Ce film est mythique au Bengale, certainement en partie en raison de ses attaches historiques au premier courant libéral du pays. Il l’est aussi dans le monde entier par sa subtilité, sa puissance, sa beauté. Pour moi, comme pour plusieurs cinéastes, c’est aussi, notamment en raison de la profondeur du personnage principal, un des plus grands films de tous les temps.
    Merci au Cinéma Les Studios de Brest d'avoir reprogrammé la version longue de Charulata (2h) dans le cadre de son Festival "Films du Répertoire".
    Hotinhere
    Hotinhere

    417 abonnés 4 736 critiques Suivre son activité

    2,5
    Publiée le 5 novembre 2022
    Le récit d'émancipation délicat et pudique mais manquant d’intensité (hormis la fin sublime), d'une femme bourgeoise délaissée par son mari en Inde à la fin du XIXe siècle. 2,25
    Patjob
    Patjob

    19 abonnés 548 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 16 octobre 2022
    Dans un somptueux noir et blanc, Satyajit Ray raconte une histoire simple mais riche. Sont en effet abordés au travers de cette histoire, d’une façon ample et pudique, des thèmes aussi différents et fondamentaux que la nécessité de l’engagement politique, les difficultés de la création artistique, et, surtout, l’imperceptible naissance et l’irrésistible développement du sentiment amoureux. Avec délicatesse et finesse, le cinéaste montre combien il est difficile de bien lire en soi même et de se libérer vis-à-vis des autres. Il utilise pour cela des éléments symboliques comme les jumelles que Charulata utilise pour observer et se rapprocher d’autrui. Sa mise en scène est très léchée, sa caméra caresse les objets et les lieux, parfois de façon récurrente, comme pour ouvrir un nouveau chapitre. Ce grand film, s’il manque parfois d’intensité, se caractérise par sa subtilité : par exemple lorsque le mari parle d’une trahison, celle de son ami qui l’a volé, son épouse (et le spectateur) entendent ses propos en les appliquant à une autre. Par sa retenue aussi ; on est proche de la musique de chambre, pas de l’opéra.
    Sabine
    Sabine

    6 abonnés 118 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 29 mai 2022
    J'avais vu ce film il y a très très longtemps et j'avoue que je ne m'en souvenais plus du tout. Mais le revoir à réveiller une réflexion que ce film avait sucitée : un homme peut vivre avec une femme et l'aimer sans s'intéresser vraiment à elle jusqu'à la rendre sans aucun réel attrait, mais il suffit que quelqu'un d'autre sache la réveiller pour que toute sa singularité jaillise et en fasse un être fascinant. Un sujet traité avec beaucoup de délicatesse, de belles réflexions sur la littérature, sur l'inspiration, la retranscription des émotions, et un sens du rythme et du mouvement tout en délicatesse et souplesse.
    anonyme
    Un visiteur
    5,0
    Publiée le 17 avril 2020
    De tous les films de Satyajit Ray, « Charulata » était son préféré. Si de prime abord il ne génère pas la puissance évocatrice de la trilogie d’Apu sur la précarité de la condition humaine ou ne dépeint pas, à l’image du « Salon de musique » ou de «La grande ville », les tenants et les aboutissants d’une société qui se régénère, « Charulata » est un film à apprivoiser au détour de ses non-dits, et de la précision de sa scénographie. Avec le recul, la position du réalisateur prend tout son sens.

    « Charulata » est un film d’intérieur. Dès le début, nous sommes transportés au cœur de grands espaces vides. La première impression qui en ressort est l’oisiveté. Embourgeoisée, Charulata déambule d’une chambre à l’autre à la recherche d’une activité qui enrichira son quotidien morne. À quatre heures précises, elle sermonne un serviteur qui n’a pas apporté le thé au moment attendu. Ce rituel semble organisé pour palier à un ennui profond. Enfermée dans sa tour d’ivoire, Charulata utilise des jumelles pour observer le monde, pour se rapprocher des êtres qui peuplent l’extérieur ; ces actifs qui vaquent à leurs occupations pendant qu’elle, cette spectatrice passive ne conjugue son être qu’au passé ou au futur sans s’accorder avec le présent des nécessités de la vie. À travers les jumelles de Charulata, c’est l’image du spectateur de cinéma qui est renvoyée. Car oui, « Charulata » est aussi, en second tableau, un film sur le 7e art. Comme l’héroïne du film, tout cinéphile est un oisif de la société de divertissement recherchant à travers les affres de personnages fictifs de quoi assécher sa propre soif d’aventure, d’existence qui peut se refuser à lui.

    Quelques instants plus tard, nous faisons la connaissance de Bhupati, le mari de Charulata. Lors de sa première apparition, Bhupati croise Charulata sans même se rendre compte de sa présence. Il y a comme un manquement au cœur de cette relation conjugale. Le premier dialogue interviendra au sujet de l’occupation principale du mari. En effet, ce dernier possède, sans nécessité pécuniaire, un journal politique qui occupe la majeur partie de son temps. Le mari se bat constamment contre l’appellation de « riche oisif » qui est habituellement imputée aux personnes de sa condition. Il dépense sans compter pour celle qu’il qualifie comme « sa première épouse » ; c’est-à-dire sa presse à journaux. Peu enthousiaste au sujet de la tenue des comptes, Bhupati sollicite le frère de Charulata pour prendre en charge cette activité annexe. Ce constat est à l’image d’un cinéaste qui est contraint de composer et de s’entourer pour créer et faire vivre sa passion. Je souligne cet aspect car il aura une résonance pour la suite.

    Ellipse. Au plan suivant, la belle sœur de Charulata et cette dernière jouent aux cartes. Un jeu qui ennui passablement Charulata. Le manque qui assiège son esprit n’est pas de ceux qui se compensent par un futile jeu de hasard, car c’est d’évasion que rêve Charulata. Dès l’instant où la belle sœur quitte la chambre par un motif prétexte, Charulata s’empare d’un livre. Lentement, son visage s’illumine.
    C’est alors qu’une bourrasque soudaine accompagne l’arrivée d’Amal, le cousin de Bhupati. Le vent violent suggère le grand chamboulement que va amener le nouvel arrivant au sein de cette demeure tranquille. S’ensuit un dialogue sous la forme d’une confrontation entre Bhupati et Amal.
    En effet, deux conceptions s’opposent à travers ces personnages. Le mari possède les ressources qui ne l’oblige pas à satisfaire un public avide de « faits divers ». Il reste fermement attaché à la critique politique par le biais de son journal, car il juge cela d’utilité publique. Il souhaite faire bouger les choses au plus haut niveau. Son cousin est quant à lui frivole. Il refuse de stabiliser sa situation par un mariage, et fuit dès que Bhupati lui parle de politique. Bhupati se veut le représentant du réalisme politique face à la poétique abstraite qu’affectionne Amal. Le débat se solde par un bras de fer. Bhupati remporte la première manche.

    Dorénavant, Amal est sollicité pour inciter Charulata à s’investir dans les arts écrits. Lors de la première conversation sur l’art entre Charulata et Amal, la belle sœur s’endort, désintéressée. Une bulle est crée entre deux rêveurs. La conversation se poursuit dans le jardin, un lieu plus propice à l’exaltation des sens.
    S’ensuit, une séquence de balançoire, un sublime hommage au cinéma de l’un des mentor de Satyajit Ray : Renoir et particulièrement à sa « Partie de campagne ».
    En quelques plans, Satyajit Ray réussi là où plusieurs réalisateurs de romance ont échoués. Amal est allongé sur le sol, il compose un poème. En retrait, Charulata saisit ses jumelles et l’observe avec pudeur. Amal sent qu’un regard est posé sur lui. Il s’agit de l’un des plus beaux éveils amoureux que le cinéma peut nous offrir. Et il se passe de mots.

    Au grand désespoir de Charulata, Bhupati propose un mariage à Amal. Ce dernier remporte la seconde manche en refusant cette proposition assortie d’un alléchant voyage en Europe, la terre des plus hauts dignitaires de l’art.
    Amal reste. Charulata est donc invitée à s’investir dans l’écriture.
    La première ligne est une souffrance pour l’apprentie écrivain. En s’installant dans le jardin, l’inspiration viendra à l’aide de superpositions d’images dignes de Murnau. Sur le visage de Charulata se superpose ses rêves d’exode, puis une volonté imagée de retour à la racine, vers son village natal. Sur les terres de l’imaginaire, Charulata nous fixe de son regard, elle n’a plus besoin de ses jumelles.

    Au dernier acte de cette merveilleuse histoire, un évènement vient bouleverser ce paisible domicile. Comptable dénaturé, le frère de Charulata dérobe une grande part de la caisse dédiée au journal, puis disparaît. Bhupati est au comble du désespoir, toute sa vocation est mise en péril. À l’instar du cinéma, les externalités peuvent contrecarrer, influer, ou même détruire le projet d’un créateur.
    Comme à son habitude, Satyajit Ray place la dignité et la grandeur d’âme au premier plan. Pour ne pas enfoncer davantage Bhupati, Amal refrène ses sentiments pour Charulata et quitte le domicile. Une nouvelle bourrasque accompagne son départ.

    Après le départ d’Amal, Charulata reprend ses jumelles. Son acuité s’étant voilée, elle contemple à nouveau le monde avec distance. C’est alors qu’une clairvoyance apparaît. Le journal de Bhupati sera repris, mais cette fois en deux parties : les informations politiques en langue anglaise et des textes composés par Charulata en Bengali. Ainsi est envisagée la possible jonction entre le réel et l’imaginaire. L’essence du cinéma, tout simplement. Cet équilibre est précaire, mais le jeu en vaut la chandelle : plus que quiconque, Satyajit Ray est le réalisateur qui aura harmonisé l’exigence politique avec une vision artistique. Un cycle est terminé, la vie reprend comme avant pour le couple, mais pas tout à fait, car comme dans toute œuvre de grande qualité, la nature des rapports entre les individus connaîtra une légère fluctuation favorisant la compréhension entre les êtres.

    Au dernier plan, deux mains sont tendues l’une vers l’autre. L’image se fige avant qu’elles n’aient pu entrer en contact. Au cinéma comme ailleurs, la perfection est le but ultime à atteindre. Certains peuvent y approcher au plus près, mais nul ne peut véritablement l’atteindre.
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