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Flavien Poncet
241 abonnés
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1,0
Publiée le 6 août 2012
Se poser la question s'il peut y avoir des films mineurs chez un grand cinéaste prend la question usuelle à rebours. Les grand films font les grand cinéastes, non l'inverse, c'est entendu. "La Ilusion viaja en tranvia" (Mexique, 1952) s'apparente à un film mineur de Don Luis Bunuel, mineur de par le ton ostensiblement anecdotique de l'histoire. Enchaînement de scénettes qui ne mène finalement nulle part ailleurs qu'à la simple peinture, non moins désagréable, d'un fait divers singulier. Le titre mexicain promet un programme qu'il ne tient pas : L'illusion voyage en tramway. Le titre trompe puisqu'il n'y a pas l'ombre d'une illusion surréaliste à laquelle on est en droit de s'attendre. S'il y a illusion, elle est d'ordre politique, sociale, presque marxiste. "La Ilusion viaja en tranvia" orchestre la confrontation entre le commun des mortels, incarné par les deux protagonistes, et le monde social du Mexique, toutes couches (ou presque) sociales confondues. Le film dépeint plutôt une lutte des classes qu'il ne s'adonne à une pratique surréaliste, à l'inverse de l'excellent "Subida al cielo".
Un régal ! Ce film considéré comme mineur est pourtant une œuvre buñuelienne à part entière. Le scénario est complètement foutraque, mélange tout pour nous parler de tout, des escroqueries religieuses, des émeutes alimentaires, de l'inflation, de la délation, de la cruauté des gosses. Buñuel s'acharne particulièrement sur le personnage du mouchard pour notre plus grand plaisir. Outre les séquences dans le tram on appréciera le petit théâtre avec la petite scène représentant Adam et Eve avec la très belle Lilia Prado dans le rôle.
Après Lilia Pardo dans le bus de « La montée au ciel”, la voici dans le tram dans “On a volé un tram”, titre français plus juste que l’original, “La illusion viaja en tranvia”, car point d’illusion, ni de séquence onirique à se mettre sous la dent. A la place une succession de scènes plus ou moins sociales, décousues et sans véritable destination (un comble pour un tram). Heureusement la séquence du paradis terrestre avec la belle Lilia dans le rôle d’Eve, offre un numéro burlesque amusant. Plus loin dans le film, un joli plan aguichant de sa jupe trop relevée dévoilant le haut de ses bas, et le personnage du délateur (Agustín Isunza) est bien cerné. C’est un peu juste tout de même. Film mineur très dispensable.
"On a volé un tram" (1953) fait partie d'une série de quelques films mineurs mais loin d'être inintéressants qui s'intercalent entre "El" (1952) et "La vie criminelle d'Archibald de la Cruz" (1955) deux des œuvres majeures de la carrière mexicaine de Luis Buñuel. Dans un style qui emprunte tout à la fois au néo-réalisme et à la comédie italienne comme la pratiquait à cette époque Toto, Buñuel profite de l'escapade de deux anciens chauffeurs de tramway à bord d'une de leurs anciennes tractions, promise à la casse, pour dresser un portrait touchant de la banlieue de Mexico et de ses habitants. Selon un argument classique de comédie qui veut que les protagonistes n'arrivent jamais à bon port à cause d'avatars prétextes à gags, les deux chauffeurs en cherchant à ramener le tram à sa base font le tour de la ville et ramassent au passage toutes sortes de populations. Des bouchers d'abattoirs du Rastro, des enfants d'une école en sortie avec leur institutrice, un chauffeur de tram en retraite délateur qui ne veut pas décrocher, des trafiquants de maïs, des commerçants jouant la pénurie pour faire monter les prix ou des bourgeois méprisant sur le monde ouvrier, Buñuel montre de manière moins pessimiste et surtout moins cruelle que dans 'Los Olvidados" (1950) une ville qui a encore bien du mal à se sortir du marasme économique. L'auteur a pour une fois laissé ses thèmes de prédilection au vestiaire pour filmer de manière pittoresque mais aussi bienveillante les gens tout simplement en train de vivre. Sans doute une manière de se racheter après la vision cauchemardesque de "Los Olvidados" que les autorités et le public mexicain lui avait reprochée comme un manque de reconnaissance de sa part après qu'ils l'ont accueilli sans réserve et lui ont donné leur nationalité en 1949.
Luis Buñuel nous montrait dans ce film qu'il ne faut pas forcément forcer les choses pour faire naître le surréalisme, que le surréalisme peut naître du réalisme le plus pur, du quotidien le plus banal. Il nous montrait aussi qu'il était aussi capable de filmer avec une affection non dissimulée les petites gens que de filmer avec férocité la bourgeoisie la plus dorée. Car dans "On a volé un tram", le réalisateur nous plonge dans la vie de deux ouvriers un peu bras cassé auxquels on ne peut que s'attacher, et à partir d'une situation de départ très alcoolisée va les faire vivre des moments pour le moins improbables et très amusants, à l'instar de la séquence où des riches refusent de prendre le tramway sans payer taxant même nos protagonistes de "communistes" pour cela. Une galerie de personnages secondaires haute en couleur va ajouter au charme. On peut juste reprocher à l'histoire d'amour d'être un peu fadasse mais c'est bien le seul reproche que l'on puisse faire à l'ensemble. Buñuel oblige, la critique de la Société, celle du Mexico des années 50, est présente mais ici c'est surtout la chaleur humaine qui guide le cinéaste. Et c'est tant mieux car au final on a eu affaire un film sympatoche. On prend le tram avec plaisir avec Buñuel.
Sans être extraordinaire le film nous emmène dans un périple parsemé de petits rebondissements dramatico comiques très agréables à suivre. Un film qui fait penser par divers aspects à une comédie italienne.