«El rio y la muerte» (Mexique, 1954) prend Luis Bunuel a contre-emploi. Là où le cinéaste est accoutumé aux film grinçants et égratignant, «El rio y la muerte» s'affiche, lui, comme un mélodrame où deux familles n'ont de cesse de se battre en duel à coup de pistoleros. Cependant, Luis Bunuel, dans son génie à s'approprier une oeuvre, réussit à incruster dans le film des pépites de sa «patte» particulière. En effet, l'oeuvre ne cesse de tourner autour de la mort dans un vertige brutal, non violent mais rude, fasciné et angoissé par le meurtre. L'histoire est celle du dernier des Anguiano, contraint de défier le dernier des Menchaca, ceci pour préserver la haine que se voue les deux familles. Aliénation de la famille, extermination de l'individualité au profit des coutumes, c'est de cela que traite «El rio y la muerte». Film à thèse, Bunuel l'a semi-désavoué. Dommage car, s'il ne s'agit pas d'une oeuvre bunuelienne à proprement dit, le film demeure bien réalisé et fort consistant. Le bas blesse tout de même dans son mauvais calibrage. Seul le dernier quart du film demeure digne d'intérêt. L'intérêt provenant de la tension qu'a consciencieusement agencé les trois premier quarts du film. Ainsi ce film de Bunuel ne cesse de monter en tension jusqu'à l'inévitable confrontation finale, une confrontation qui, apogée de la thèse du film, fait la part belle à l'intelligence plutôt qu'à la force. Point de pessimisme malin ici, a contrario de ce que fait Bunuel. Enfin, le film est doté de deux scènes où la tension y est palpable, celle où les deux exilés adversaires se croisent et la scène du duel final. Bref, «El rio y la muerte» n'est pas le meilleur Bunuel en tant qu'oeuvre d'auteur, mais il reste un mélodrame intense, titubant parfois mais qui tient suffisement en haleine pour réussir son but, éduquer le peuple mexicain sur les affres d'un honneur certain.