Il y a des injustices cinématographiques inexplicables, Alien 3 en fait partie. Film débat dans la communauté des fans de Alien, considéré comme le plus mauvais (que lesdites personnes se re-matent d'urgence Alien 4), semi-échec à sa sortie et véritable tournage catastrophe qui a laissé une mauvaise impression pour le premier film d'un certain David Fincher. Alien 3 fut envisagé dès 1987, quelques mois après le succès de la suite très orientée action signée James Cameron. Les premières versions du script, dont l'une fut écrite par Walter Hill, prévoyaient la mise en avant de Hicks (Michael Biehn) et de l'androïde Bishop avec une nouvelle équipe de marines face à une invasion d'Aliens, au départ sur Terre, puis sur LV-426, et sur une planète artificielle tout en bois avec des moines n'ayant aucune technologie. Mais, ne plaisant pas à la Fox, le scénario fut remanié une dizaine de fois avant d'arriver à la version que l'on connaît désormais. A noter que l'un des scénarios fut écrit par David Twohy (mettant d'ailleurs en scène une planète-prison) et que ce dernier garda quelques idées de ses écrits et réutilisa l'ambiance de la saga pour sa trilogie des Riddick. Renny Harlin fut envisagé comme réalisateur mais partit début 1990 pour réaliser 58 minutes pour vivre. Le scénario final, on le doit à un certain inconnu, David Ward. Ne restait plus qu'à trouver un réalisateur, ce qui fut chose faite en embauchant un certain David Fincher, pubard ayant fait ses preuves avec les clips de Madonna et de Michael Jackson. Lui veut créer son univers glauque et assez pessimiste et se révèle très exigeant, ce qui agace la Fox qui espérait prendre un réalisateur inexpérimenté pour lui dire quoi faire de A à Z. Les premières projections tests sont catastrophiques et la Fox décie de reprendre en main son film afin de le remanier à sa sauce. Trop sombre, trop symbolique (tout un thème sur la croyance religieuse et l'association de criminels que tout opposent), Alien 3 sort sur les écrans en mai 92 dans une version charcutée que Fincher reniera puisqu'il a quitté le tournage lors du montage du film, exaspéré de voir son travail renié et re-manié. Cette fois-ci, après Aliens le Retour qui mettaient en avant de nombreux aliens dans une flopée d'action, cet épisode trois remet les compteurs à zéro avec un seul alien amélioré face à Ripley, seule survivante du crash de sa capsule EEV, et à une vingtaine de détenus sur une planète-prison quasi-inhabitable en surface. Déjà, Fincher déballait au monde son univers sombre et pessimiste avec des protagonistes atypiques et désespérés dans un univers couleur rouille montrant la déchéance du monde qui l'entoure et qui doit lutter contre une menace invincible et invisible, monstre mythologique sortant des entrailles d'un être vivant (en occurrence un bœuf ou un chien selon la version) dont la seule chance de mort est l'union de tous les prisonniers qui l'affrontent . Un monde en crise en proie aux épidémies (la chasteté règne et est un moyen de se préserver des maladies et la venue d'une femme va les amener au péché de la tentation – en contradiction avec les nombreux plans de seringues) et à l'hypothétique hiver nucléaire (abordé par Clemens et la raison de son internement) où les hommes s'inventent eux-mêmes une religion -thème récurrent du film à l'image de la prison filmé tel un monastère là où une première version du script voyaient des moines à la place des prisonniers) et où le personnage de Ripley, à qui on rase le crane pour des raisons sanitaires, représente l'uniformisation du peuple. Inévitable parcours christique, elle apparaît comme un messie qui verra son unique salut dans un suicide inévitable. Dillon est le gourou de la religion à laquelle tous les prisonniers s'accrochent afin de les remettre dans le droit chemin lors de nombreuses scènes de prières collectives alors que Clemens apparaît comme un personnage à part : lui seul sort dehors et découvre le corps de Ripley, va entamer une relation amicale puis amoureuse avec elle jusqu'à s'isoler des autres prisonniers (sa mort dès la moitié du film semble inévitable). Mais parlons du film en lui-même qui est un véritable claque, une véritable leçon de mise en scène d'une telle intensité. Les acteurs sont excellents, l'histoire incroyable, les scènes rythmés et angoissantes (dont un final splendide filmé du point de vue de l'Alien) : Alien 3 est un sommet de claustrophobie ambiante, huis-clos extraordinairement lugubre renforcé par des décors magnifiquement laids. A noter que la version longue, sortie en 2003, élargit le film de 30 minutes indispensables à une compréhension totale de ce chef d’œuvre, probablement (sans rire) le plus beau film de l'histoire du cinéma, qui sera dur à surpasser.