Les frères américains du cinéma indépendant et percutant frappent une nouvelle fois un grand coup, le plus grand a en juger les 4 Oscars dont meilleur film et meilleurs réalisateurs, et clairement leur plus beau en qualités esthétiques tout comme leur traitement de l’image et du rythme d’un réalisme impressionnant, faisant de leur première adaptation un coup de maître. Et pourtant leur originalité est sans faille quand il s’agit de faire un film, maîtrisant la majeure partie de sa conception, malgré tout ils parviennent à transmettre fidèlement et sans accroc l’atmosphère et le style très singulier de l’auteur du roman d’origine, allant jusqu’à pousser certains spécialistes de la question à les assimiler aisément, chacun dans son art. Chaque image, chaque plan et même chaque scène sont pensés dans le moindre détail; paysage, style des personnages, esthétique et séquences millimétrées, tout les éléments sont essentiels pour rendre au mieux cette ambiance très viscérale qui justifie le titre. Ainsi, tout le travail technique se met au service de l’intrigue, et non pas le scénario qui lui reste d’une simplicité enfantine, et n’évolue guère en tant que tel puisque le film se concentre surtout sur des conséquences, contrairement à un scénario classique qui traiterai cet aspect dans un ensemble plus général. Ce qui compte ici, c’est cette course poursuite éprouvante entre un héros normal désabusé (comme les Coen les aiment) et un tueur impitoyable (même constat), l’histoire générale importe peu dans le fond ici, d’ailleurs elle n’avance que très peu en 2 heures de temps, ce qui prend toute son importance c’est le développement ultra détaillé de cette course qui, perdue dans l’immensité du désert texan, prend encore plus de sens, en devenant pesante tout autant par l’image que par ce qui s’y déroule. La première chose qui semble presque évidente, c’est le rythme très ambigüe de ce film, d’un côté très lent dans la manière de tout expliciter à l’image, à l’exemple de cette fusillade qui tourne mal, totalement vue par les yeux du héros, et qui pour simplement montrer une fuite, prend bien le temps de tout mettre en scène, ou encore la façon dont ce même personne prépare sa défense physique, s’arrêtent sur des détails certes, mais donnant un réalisme rarement vu, surtout dans le genre, à mi chemin entre neo western et thriller archi violent. D’un autre côté, ce rythme donne une cadence effréné à tout ce qui se passe, mettant les nerfs à rude épreuve par la simple paranoïa et du doute dont peuvent faire preuve n’importe quel être humain, à tel point que la scène ou le tueur arrive dans le motel en devient éprouvante alors que seules les images et le montage expriment ce qui se passe, pas un dialogue, pas une musique, tout passe par la mise en scène, et rien que cela c’est costaud. Puis cela va de paire avec un style de la violence qui coupe littéralement le souffle, jouant habillement une fois de plus d’une crédibilité à toute épreuve, et même des soins ou un accident inattendu deviennent sources de tension et d’inquiétude, tant pour les personnages que le spectateur, ainsi bien qu’ils soient très clairsemés dans l’ensemble du film, les passages très crus sont incroyablement mis en scène, d’un réalisme très appréciable et sachant donner du rythme exactement au moment adéquat, décrochant la mâchoire coup sur coup. Evidemment, comment ne pas penser également au casting incroyable par sa qualité d’acteurs présents, et surtout correspondant tous à la perfection à leur personnage, chose que les deux frères savent très bien faire, surtout que chaque protagoniste compte autant que n’importe quel autre à leurs yeux et doivent être tous traiter à la même enseigne: de la crédibilité et de l’originalité, et sa fonctionne souvent très bien, la preuve en est largement faite dans ce grand film. A commencer par le meilleur de tous, à tel point qu’il obtient plus que logiquement l’oscar du meilleur second rôle masculin cette année la, et il était difficile de faire mieux que J. Bardem, car on est dans du très grand niveau d’interprétation: tout autant qu’il incarne à merveille ces personnages que les Coen adorent, complément atypique, efficace, une prédisposition aux répliques formidables, transmettant plus cette puissance verbale dans une illustration de la violence plus directe et arborant un style complément hors des clous, de la coupe de cheveux à « son arme fétiche ». Tout est bon pour mettre une scène de manière singulière, précise et d’un réalisme indéniable ce protagoniste pourtant secondaire dans le scénario mais qui porte toute la puissance de ce film, et quand on voit justement cette nécessité d’être surtout charismatique plus que loquace, J. Bardem met en œuvre l’un de ses meilleurs personnages. Alors il faut bien sûr compter aussi sur J. Brolin qui lui offre l’autre face de la médaille en ce qui concerne l’histoire, étant celui par tout va se déclencher, mais faisant tout autant preuve de singularité dans sa manière d’interagir avec son environnement, sans oublier cette frontière très manichéenne qui disparaît totalement par ce héros la. Bon ou mauvais? Stupide ou malin? Proie ou Traqueur? Il parvient à être suffisamment crédible sur tout ces tableaux que l’on en perd ses repères quand il s’agit d’identifier des personnages, et cela fonctionne jusqu’à la dernière scène ou il est présent, et ce qui par dessus tout est assez plaisant avec lui, c’est sa manière de rendre absolument crédible son rôle et cela est impeccablement rendus à l’écran (bien qu’une blessure due à un accident rend bien plus réalistes certains moments de souffrance exprimés par l’acteur). Un héros coennien dans toute sa splendeur car même dans sa vie on ne peut plus normal et sans intérêt, il parvient à être tordant dans sa philosophie de vie, tout comme dans sa relation de couple, que les frères adorent tordre dans tout les sens avec un sens de l’humour efficace. Et c’est bien évidement par T. Lee Jones que tout cela se lie, jusqu’au titre qui fait écho à son personnage, et qui lui apporte une forme intéressante de vision externe (jamais il ne croisent les deux autres en face à face), mettant en lumière cette histoire d’une toute autre façon, plus pragmatique et surtout bien plus critique, et ce pionnier du cinéma de genre excelle dans ce style de vieux shérif d’une Amérique profonde et rongé par la folie du monde, tout simplement impuissant autrement que par son expérience devant un tel déchaînement de violence, rationalisant tout cela et bien sûr de rendre, lui aussi, tout cela absolument crédible. Donc du jeu des acteurs au contenu du scénario, en passant par des répliques toujours taillées au fuseau, un traitement de l’image sublime, tout autant que les décors qui y sont traités, et bien sûr aussi le rythme très efficace malgré une irrégularité voulue, voilà un film donc qui passe d’une traite. De plus, on ne peut pas taxer les frères cinéaste de faire du prosélytismes d’une culture qui leur est chère (bien au contraire ils ont su adapter parfaitement une vision d’un autre qui n’est pas la leur), et qui en plus d’offrir un film intriguant mystérieux et efficace dans son traitent de l’histoire qui se déroule, la qualité et le rendu visuel en font aussi une excellente fresque de l’Amérique telle qu’elle existe toujours, tant dans sa violence et sa complexité tant que par ses paysages et ses images somptueuses.