« The sleeper must awaken. »
Devenue kitsch au fil des ans, cette version de Dune par David Lynch en décors rétro-futuristes n’a pas grand-chose à voir avec celle, plus moderne et plus mystique de Denis Villeneuve (2021, 2024) ni celle plus fidèle au livre qu’en donna John Harrison en mini-série (2000). Il faut pourtant admettre qu’elle tient plutôt bien la route grâce à son inventivité visuelle, parfois grotesque certes, comme les voyages des navettes spatiales dignes d’un film de série Z des années ’50, mais parfois géniale, comme son ambiance steampunk, les boucliers en images de synthèse (d’époque, hein!) et les maquillages du Baron Harkonnen. Le scénario condensé écrit par Lynch lui-même tient également en haleine malgré cette sale habitude des dialogues intérieurs, assez pénibles.
Parmi ses interprètes, on retrouve Kyle MacLachlan, fidèle de Lynch à ses débuts, Sean Young et Francesca Annis, toutes deux assez plastiques et soumises aux aléas du récit, Jürgen Prochnow plutôt solide dans sa stature ducale, et d’autres acteurs au jeu daté, digne de téléfilms de ces années. On relèvera néanmoins la prestation du quatuor Harkonnen : Kenneth McMillan prodigieux en baron répugnant, Sting en neveu psychopathe, Paul Smith en brute épaisse et Brad Dourif en mentat vicieux. On notera aussi le caméo de David Lynch en moissonneur d’épice paniqué.
Si d’aucuns, comme j’ai pu le lire, jugent la version de Villeneuve comme étant woke (lol), il faut reconnaître que le problème est plutôt dans cette version-ci qui, pour incarner les fremens, des personnes vivant dans le désert et très fortement inspirées par les populations arabes et africaines, a choisi des acteurs et actrices blancs.
Au final, ayant fortement vieilli, on peut rapprocher cette version de Dune de celle du Seigneur des Anneaux de Ralph Bakshi (1978), en ce qu’elle est un essai inventif et original d’adaptation d’une œuvre réputée inadaptable à l’époque. Tant Denis Villeneuve que Peter Jackson ont pu compter sur des moyens autrement plus « faciles » afin de retranscrire un univers complexe et dense inexistant à l’époque de Bakshi et Lynch.
On pourra donc considérer cette œuvre comme culte, et ce malgré l’insatisfaction du réalisateur devant ses deux versions de Dune (une trop courte et bridée dans sa créativité, l’autre allongée artificiellement et intellectuellement dégradée pour satisfaire un public de téléspectateurs).