Le film s’ouvre sur un long plan fixe où il ne se passe quasiment rien, ce qui amène le spectateur à se poser la question de son utilité, de sa fonction (pourquoi le réalisateur a-t-il tourné ce plan ?). Haneke y répond par la nature même de l’image : c’est un enregistrement vidéo ; la question se déplace alors sur l’utilité, la fonction de cet enregistrement (pourquoi un personnage a-t-il tourné ce plan ?), question qui sera rapidement suivie par une autre. Rarement un cinéaste aura atteint une telle complémentarité entre une histoire et sa mise en forme pour éveiller et retenir l’attention du spectateur. La première est en effet magnifiée par la seconde, qui crée un sentiment de malaise au fil du déroulement des faits mystérieux. Le jeu sur l’image est un des ressorts principaux du film : lorsqu’arrivent certains plans fixes, le spectateur se pose la question de leur nature : réalité ou enregistrement ? et dans ce dernier cas : quel est le regard, quel est l’œil qui l’a tourné ? Les évènements vécus révèlent aussi la fragilité, et d’autres facettes, des différents personnages, en particulier bien sûr de Georges, le personnage central. Le film est très riche, se nourrissant de nombreux thèmes au centre desquels la culpabilité, individuelle ou collective. Le suspense et l’intérêt sont en permanence maintenus, jusqu’aux deux derniers plans, encore deux longs plan fixes ; le premier qui met le spectateur dans une position de voyeur d’une douloureuse scène dramatique ; le second, mystérieux, qui demande une fine observation, qui pose de nouvelles questions, et dont la fonction première semble être le maintien du spectateur, même au-delà de la fin du film, dans une sensation d’incertitude et d’inconfort. C’est parfaitement réussi.