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    Mort de Silvio Berlusconi : pourquoi il faut voir Draquila, le documentaire sur l'effrayant système du Cavaliere
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Figure majeure de la vie politique et médiatique d'Italie, Silvio Berlusconi est mort à 86 ans. Une carrière sulfureuse entachée de nombreux scandales, que pointait le documentaire "Draquila", qui fit scandale en Italie.

    "Silvio Berlusconi a orchestré la médiatisation spectaculaire de sa vie. Il faisait ça à des fins électorales. Il utilisait la scène politique comme s'il était une star de cinéma. Il le faisait pour s'immiscer plus facilement dans l'inconscient des italiens et parvenir à les toucher au plus profond d'eux-mêmes et obtenir leur consentement" nous glissait en 2018 le grand acteur Toni Servillo, qui incarnait justement le sulfureux homme d'affaire et politique, dans le film Silvio et les autres.

    Et d'ajouter : "Je pense qu'il a su faire ressortir chez les italiens ce fantasme d'une "super-italianité". Il a apporté à la politique une sorte de priapisme dont les italiens ont toujours eu une grande indulgence. Il occupait également la scène politique avec une extrême efficacité".

    Des propos qui ont aujourd'hui une résonnance particulière : celui que l'on a surnommé il Cavaliere, figure majeure de la vie politique et médiatique d'Italie, vient de s'éteindre à l'âge de 86 ans.

    Insubmersible, ou presque

    Trois fois président du conseil (de mai à décembre 1994, de 2001 à 2006, et de 2008 à 2011), parlementaire de 1994 à 2013, puis de l’automne 2022 à sa mort, chef de file indéboulonnable de la droite italienne, entrepreneur milliardaire des médias, ex-propriétaire du club de football Milan AC, Silvio Berlusconi a profondément marqué de son empreinte le pays.

    Une longévité politique et médiatique exceptionnelle, qui fut aussi entachée de très nombreux scandales privés et financiers, entre fraude fiscale, corruption, subornation de témoin, et même prostitution de mineurs.

    LAPRESSE / BESTIMAGE

    Poursuivi en justice à plusieurs reprises, il avait réussi à éviter la prison grâce à des lois qu'il avait lui-même fait voter, jusqu’en 2013. Il fut alors condamné pour la première fois de façon définitive pour une affaire de fraude fiscale.

    Si l'on vous encourage à découvrir ou revoir le formidable film Silvio et les autres, portrait acide de l'homme qui dessine aussi en creux l'état d'un pays l'ayant porté au pouvoir, ou encore la puissante charge de Nanni Moretti dans Le Caïman, c'est vers un documentaire que l'on vous oriente volontiers : Draquila - l'Italie qui tremble.

    Un homme qui vampirise son pays

    Quatrième film de la réalisatrice italienne Sabina Guzzanti, le film tire son titre d'un savoureux jeu de mots. D'abord le terrible tremblement de terre qui fit 309 morts, survenu dans la splendide petite ville d'Aquila, en avril 2009, qui fut ravagée, et dont le gouvernement de Berlusconi fut pointé du doigt pour son inertie. Et la figure de Dracula, bien entendu, qui est ici incarné par il Cavaliere, vampirisant un pays tout entier.

    Présenté au Festival de Cannes en 2010, le film provoqua la colère du ministre de la Culture italien, Sandro Bondi, qui boycotta le festival. Dénonçant la corruption organisée par les équipes de la Protection civile, Draquila fut aussi un séisme personnel pour le président du conseil, dont l'image fut sérieusement écornée après ce drame.

    Bellissima Films

    Il fut notamment accusé d'avoir favorisé la construction neuve à l'extérieur de la ville , délaissant le centre-ville. "Le centre historique est sacrifié au profit de ces villes nouvelles" s'était d'ailleurs émue Sabina Guzzanti, dans une interview accordée à Paris Match en 2010.

    "Une ville dévastée par un tremblement de terre. L’endroit idéal pour raconter la dérive autoritaire de l’Italie et l'imbroglio de chantages, de scandales, d’escroqueries et d’inertie de la classe politique, des médias, des habitants et de tout ce qui paralyse ce pays" commentait la cinéaste à l'époque dans ses notes d'intention sur son film.

    Pourquoi les Italiens votent-ils pour Berlusconi ? Pourquoi considèrent-ils que la démocratie n’est pas un système adapté pour gouverner la nation ? C’est l’Aquila, cette ville splendide rasée par le tremblement de terre, qui nous donne ces réponses".

    Nous avions d'ailleurs rencontré Sabina Guzzanti lorsqu'elle était venue en France pour assurer la promotion de son film...

    Sept ans après le drame, de promesses en scandales, le chantier de reconstruction du centre ville n’était toujours pas lancé...

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