Souvent galvaudé, le terme "chef-d'œuvre" semble parfois perdre tout son sens. Alors quand un film comme The Brutalist de Brady Corbet est couvert d'éloges de toutes parts, en particulier par les critiques, peut-on y croire ?
Depuis sa présentation à Venise - où il est sacré Lion d'argent en septembre 2024 -, ce drame historique séduit les spectateurs du monde entier et s'impose comme l'un des grands favoris aux Oscars avec ses dix nominations.
Certains professionnels vont même jusqu'à le comparer à des classiques du cinéma comme Le Parrain, Il était une fois en Amérique et There Will Be Blood.

The Brutalist, c'est quoi exactement ?
Le film raconte, sur plus de trente ans, le destin de László Tóth (Adrien Brody). Cet architecte hongrois, survivant d'un camp d'extermination, s'installe en Amérique dans l'espoir de commencer une nouvelle vie.
Lorsque le richissime Harrison Lee Van Buren (Guy Pearce) le missionne pour construire un centre en hommage à sa femme décédée, l'artiste se heurte à la réalité du "rêve américain".
Les comparaisons sont-elles méritées ?
Un film comme The Brutalist ne sort pas tous les ans. Il a fallu sept ans pour que le réalisateur Brady Corbet, également coscénariste, monte ce projet ambitieux. Si on le compare autant aux grands classiques précédemment cités, c'est parce que le long métrage renvoie à une ancienne ère du cinéma.
D'une durée de 3 heures et 35 minutes, le drame est entrecoupé de plusieurs actes et composé d'un entracte de 15 minutes incorporé dans le film - avec un compte à rebours. The Brutalist est même tourné en VistaVision, un procédé de prise de vues sur pellicule 35 mm souvent utilisé dans les années cinquante et soixante - et très présent dans les films d'Alfred Hitchcock.

"Ce format, presque obsolète, n'a pas été utilisé dans un long métrage américain depuis 1961, explique l'acteur Adrien Brody lors de son interview avec AlloCiné. L'étendue et l'ampleur de la réalisation et de la narration confèrent une qualité cinématographique d'une autre époque et je suis fier de faire partie d'un tel projet."
Comme les classiques de Francis Ford Coppola et Sergio Leone, le film de Brady Corbet raconte une partie importante de l'Histoire de l'Amérique. Le tout sous la forme d'une fresque imposante qui mélange drame familial, art de l'architecture et sujets de société, tels que la xénophobie, l'égalité des chances et les traumatismes de la guerre.
Mes grands-parents et ma mère ont également fui les horreurs de la guerre.
Dans la peau du personnage principal, Adrien Brody trouve son rôle le plus marquant depuis Le Pianiste de Roman Polanski - film pour lequel il remporte l'Oscar et le César du meilleur acteur en 2003. Ce personnage est d'autant plus fort que son histoire résonne avec celle de la famille de l'interprète.
"Il y a là des parallèles que je trouve très beaux, à la fois dans le parcours de mon personnage et dans mon propre parcours, détaille-t-il. Mes grands-parents et ma mère [d'origine hongroise, ndlr] ont également fui les horreurs de la guerre et sont entrés aux États-Unis dans les années cinquante pour recommencer leur vie."

"Tout cela a donc beaucoup de sens, poursuit-il. Je porte, à travers mes rôles dans Le Pianiste et The Brutalist, une grande responsabilité. Ce sont deux films qui abordent cette aspiration humaine à laisser une trace, quelque chose de grande valeur et de sens, en dépit des forces oppressives de ce monde."
Seul le temps décidera si The Brutalist peut prétendre à la réputation du Parrain et autres monstres du cinéma, mais nul doute que les spectateurs et spectatrices auront la sensation de découvrir un film d'une autre époque.
Propos recueillis par Thomas Desroches, à Paris, le 21 janvier 2025.
The Brutalist de Brady Corbet, à découvrir au cinéma