Il y a 41 ans, le 23 mai 1984, Sergio Leone nous offrait un ultime chef-d'oeuvre, une fresque testamentaire et crépusculaire absolument extraordinaire : Il était une fois en Amérique. Porté par un Robert De Niro au sommet de son art, le film se déroule à New York, à la fin de la prohibition.
Noodles (De Niro) se réfugie dans une fumerie d'opium après un coup qui a mal tourné. Plus de 30 ans plus tard, il est de retour en ville et se remémore son passé de gangster : de sa jeunesse de voyou dans les années 20, marquée par sa rencontre avec son ami Max et leurs nombreux trafics dans le ghetto juif de la ville, jusqu'à la période de la prohibition.
C'est durant ces années-là que sa bande, liée par une profonde amitié, s'enrichit et marque son ascension dans la pègre grâce au commerce illégal d'alcool. Noodles se rappelle aussi de sa relation amoureuse tumultueuse avec Deborah durant toute sa vie. Il était une fois en Amérique est une oeuvre crépusculaire dense et sublime, ultime volet de la célèbre trilogie de Sergio Leone et dernier film incontournable du cinéaste.
Ennio Morricone, le divin maestro
Pour accompagner en musique les images sublimes de sa fresque monumentale, le metteur en scène a bien évidemment fait appel à son complice de toujours, le compositeur Ennio Morricone. "Avec Sergio, ma collaboration commençait dès qu'il me racontait le film. Il me racontait tout en détails, en m'expliquant même les cadrages", explique le musicien dans le fabuleux documentaire Ennio, réalisé par Giuseppe Tornatore.
D'une mélancolie qui confine à la grâce divine, la musique de Morricone dans ce long-métrage est absolument magnifique. Chaque thème est une caresse pour les oreilles, comme si un ange passait par-dessus notre tête pour nous gratifier d'une suave plénitude. Cependant, une mélodie se détache parmi toutes celles composées par le maestro Morricone : le thème de Deborah.
Ce personnage, incarné par Jennifer Connelly puis Elizabeth McGovern, est le grand amour de l'enfance et l'adolescence de Noodles. Elle représente l'innocence de cette période et l'émoi des premiers sentiments. Le héros du film ne se remettra jamais d'avoir perdu cet amour et le thème de Deborah, empreint d'une soyeuse tristesse et d'une nostalgie duveteuse, en sera le puissant symbole.
"Sans cette musique, je ne peux pas imaginer le film. Je ne conçois pas de le voir sans entendre cette musique", scandait, à raison, le chanteur italien Gianni Morandi.
La fin de l'innocence
Intemporelle et universelle, cette mélopée parle à tout le monde et parvient à pénétrer profondément dans notre âme. Il y a vraiment une dimension spirituelle dans ces notes qui résonnent particulièrement dans le coeur du public. Elles symbolisent l'innocence révolue, les amours à jamais perdus, les amitiés du passé désormais révolues.
Le thème de Deborah dirigé par Ennio Morricone :
"Souvent, Sergio me demandait d'écrire des thèmes musicaux avant le tournage. À cette époque-là, Sergio était pris de grands doutes. Il me disait : Fais-moi écouter l'autre thème. C'était un thème fait de silences, de pauses, ce que j'aimais beaucoup", a confié Morricone au sujet de la mélopée de Deborah.
"C'est un thème que j'avais écrit aux Etats-Unis pour le film Un amour infini de Franco Zeffirelli. Pour une scène, Zeffirelli voulait inclure la chanson d'un autre compositeur. Je lui ai fait écouter le thème de Zeffirelli, qui est devenu celui de Deborah. Ça lui a beaucoup plu et à moi aussi, et encore aujourd'hui."
Warner
L'analyse de Hans Zimmer
Dans le documentaire Ennio, le célèbre compositeur Hans Zimmer prend la parole pour évoquer la musique du film de Leone, et précisément le thème de Deborah. "Dans la BO de Il était une fois en Amérique, le plus petit morceau est une trouvaille originale, une instrumentation originale", expose d'abord l'artiste.
"Sur Deborah, ça commence par une note basse qui se prolonge et ça évolue très délibérément vers une autre note. Ennio raconte une histoire en faisant durer cette note. C'est courageux de faire durer une note aussi longtemps", analyse le musicien.
À noter que Sergio Leone aimait faire jouer la musique de Morricone sur le plateau, installant de grandes enceintes partout. "Entendre la musique sur le plateau impressionnait les acteurs et les techniciens", a souligné Raffaella Leone, la fille de Sergio. "Les films de mon père dépendaient de la musique d'Ennio", a-t-elle poursuivi.
"Il voulait qu'il en soit ainsi. La musique dans les films de mon père était beaucoup plus qu'une musique de films. C'était vraiment le dialogue du film. Souvent, mon père demandait à Ennio d'apporter les vieux thèmes qu'il gardait au fond de son tiroir", a confié Raffaella Leone.
En conclusion, laissons le mot de la fin au regretté compositeur italien, Boris Porena, grand poète des notes de musique. "Après la projection d'Il était une fois en Amérique, je me souviens m'être dit : Bon sang, il y a ici quelque chose qui va au-delà de l'idée qu'on se fait normalement de la musique de film."
