"Je n’ai jamais vu un tel tas de déchets de toute ma vie !" : c'est l'un des plus grands films de l’Histoire du cinéma, et sa projection test a pourtant été un désastre
Olivier Pallaruelo
Olivier Pallaruelo
-Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

Brillante et cruelle démystification d'un certain âge d'or hollywoodien, "Boulevard du crépuscule" de Billy Wilder est l'un des films les plus célèbres de l'Histoire du cinéma. Pourtant, le public détesta l'oeuvre à l'issue de sa projection test...

Les projections-tests, Screen Test en V.O, sont une pratique plutôt ancienne dans le paysage hollywoodien. Dès la fin des années 1930, les studios ont pris l'habitude de solliciter un petit panel de spectateurs à qui l'on montre l'oeuvre, et chargés à l'issue de cette projection de donner leurs impressions, bonnes et mauvaises. Et, le cas échéant, procéder aux modifications nécessaires avant son exploitation commerciale.

Moment de stress légitime pour le studio et l'équipe du film, réalisateur en tête, la projection-test peut aussi virer au cauchemar et à la catastrophe; les exemples en ce sens abondent. De là ont découlé de fameux moments de tensions entre le réalisateur, parfois dépossédé de son oeuvre, des coupes imposées ou faites dans son dos, une vision artistique complètement bridée donnant une oeuvre totalement dénaturée, avec parfois, in fine, une lourde sanction économique à la clé sous forme d'un gros échec commercial en salle.

Toutefois, il serait caricatural et factuellement faux de dire que l'issue de toutes ces projections-tests se sont soldées par des bras de fer entre les studios et les réalisateurs / équipes du film, ou que les oeuvres furent toutes des échecs en salle.

Dans ce registre, Boulevard du crépuscule se place là : le film de Billy Wilder rapporta un peu plus de 2,35 millions $ en fin de carrière, soit plus de 31 millions de dollars si l'on ajuste la somme à l'inflation. Ce fut un des plus beaux succès de l'année au box office américain.

Une projection test catastrophique

"Je n'ai jamais vu un tel tas de déchets de toute ma vie !" C'est en ces mots aimables qu'une femme s'adressa au cinéaste à l'issue de la projection-test de Boulevard du crépuscule. Le public détesta le premier montage de cette brillante et cruelle démystification d'un certain âge d'or hollywoodien; sans doute le plus fameux film dans la thématique "Hollywood flingue Hollywood".

En tête de liste : l'ouverture du film, qui montrait une discussion à bâton rompu entre plusieurs cadavres à la morgue, y compris le narrateur Joe Gillis (William Holden), sur les causes respectives de leurs morts. La séquence avait pourtant demandé trois semaines de tournage, et des trucages compliqués.

Las, les spectateurs de l'avant-première s'étaient mis à rire en prime lorsqu'une étiquette était passée à l'orteil du cadavre du personnage principal. Ce début ne permettait pas aux spectateurs de comprendre si le film était une comédie ou un drame.

Revoici d'ailleurs la séquence...

Wilder dû se résoudre aussi à revoir sa copie pour la fin originale prévue, qu'il adorait pourtant : le film se refermait également à la Morgue, avec Nancy Olson pleurant sur le corps de Holden. Cela dit, la fin que nous connaissons ne manque pas de panache et de flamboyance, avec cette hallucinante descente d'escalier de Norma Desmond (Gloria Swanson), gloire déchue du cinéma muet. Des changements qui n'empêchèrent en tout cas pas ce chef-d'oeuvre de briller aux Oscars en 1951, en remportant trois statuettes, dont celle du meilleur scénario et de la meilleure direction artistique.

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