Et George Lucas posa la dernière pièce d'un puzzle commencé 28 ans auparavant, en 1977. Avec l'épisode III de Star Wars, dans lequel Anakin Skywalker (Hayden Christensen) achève son basculement vers le côté obscur de la Force et sa transformation en Dark Vador, le réalisateur fait d'ailleurs plus que boucler la boucle : il fait du père de Luke le vrai personnage central de sa franchise, la grande figure tragique d'une histoire familiale et intergalactique de chute puis de rédemption. Un space opera, un vrai, en somme.

Pour bon nombre de fans, cette date du 18 mai 2005 marque la fin d'un long voyage dont ils craignaient de ne pas voir l'issue dix ans plus tôt. Après un passage remarqué par le 58ème Festival de Cannes, où Natalie Portman a fait admirer son crâne rasé (pour les besoins du tournage de V pour Vendetta) aux côtés des Stormtroopers qui l'encadraient sur le tapis rouge, La Revanche des Sith sort dans nos salles et permet à certains spectateurs d'enfin voir l'une des scènes qu'ils attendaient depuis 1983 et la sortie du Retour du Jedi.
Sans même avoir été certains qu'elle ne voit le jour ailleurs que dans leur esprit. Pendant de très nombreuses années, le projet de trilogie préquelle (ou prélogie) de Star Wars a été l'une des plus belles Arlésiennes d'Hollywood. Jusqu'à ce que George Lucas, conforté par le regain de popularité dont bénéficie son bébé grâce aux comic books publiés par Dark Horse et aux romans de Timothy Zahn, ainsi que par les avancées technologiques rendant la concrétisation de ses visions possible, ne se lance pour de bon avec un scénario, celui de l'épisode I, dont il écrit la première ligne le 1er novembre 1994.
La fin du commencement
Sorti le 19 mai 1999 aux Etats-Unis (et le 13 octobre de la même année en France), La Menace Fantôme ne convainc pas totalement mais engrange néanmoins 924,3 millions de dollars dans le monde. Trois ans plus tard, sa suite, L'Attaque des clones, fera beaucoup moins bien (653,8 millions de billets verts) mais sera un poil mieux accueillie, avant que l'opus suivant ne fasse mieux sur tous les plans. Bien placé dans les divers classements de meilleurs films de la franchise, toutes trilogies confondues, La Revanche des Sith rapporte 850 millions de dollars en salles et certaines scènes intègrent son panthéon.
L'ouverture spatiale en plan-séquence en fait partie, au même titre que l'affrontement entre Obi-Wan Kenobi (Ewan McGregor, le meilleur acteur et personnage de la trilogie) et le Général Grievous, le massacre des Jedi ordonné par le Chancelier Palpatine (Ian McDiarmid) qui se révèle être le mystérieux Dark Sidious à la surprise générale de personne dans les salles de cinéma ou, bien sûr, ce moment où Anakin, grièvement blessé, revêt le casque de Dark Vador et respire dedans pour la première fois. Mais le sommet du film intervient juste avant.
Dans ce long combat, très attendu, entre Anakin et son maître Obi-Wan, où la puissance des sabres laser n'a d'égal que l'émotion qui se dégage de ce duel quasi-fratricide, tandis que la partition de John Williams (l'un des hommes forts de la trilogie) élève un peu plus cette longue séquence à laquelle, contrairement aux rumeurs, Steven Spielberg n'a pas prêté main forte, puisque son apporte ne s'est limité qu'à quelques plans du combat entre Yoda et Dark Sidious.

On pourra bien sûr regretter une sur-abondance d'effets numériques, conséquence d'un tournage qui a presqu'entièrement eu lieu en studio. Regretter certaines pistes laissées en suspens à la fin de l'épisode précédent (l'origine des clones de la planète Kamino notamment) et sur lesquelles celui-ci ne revient pas, George Lucas ayant décidé de resserrer son intrigue sur la chute d'Anakin, sacrifiant au passage ses plans pour la séquence d'ouverture, qui devrait prendre la forme d'un assemblage de sept batailles sur autant de planètes différentes.
Ou encore s'amuser de petites incohérences entre les films, comme lorsque Padmé (Natalie Portman) meurt en couches ici, alors que Leïa (Carrie Fisher) disait se souvenir de la tristesse de sa mère qu'elle n'a finalement pas eu le temps de connaître, dans Le Retour du Jedi. Sans les occulter, ce serait faire passer au second plan la force de cet opus, l'un des rares avec L'Empire contre-attaque où ce sont les méchants qui gagnent. Un film qui assoit un peu plus la mythologie de la franchise et sa place dans la pop culture, en plus de se révéler étonnant à revoir.
Si l'on garde évidemment des images et des musiques en tête, la prélogie raconte aussi l'histoire d'un Elu qui déçoit et dans lequel s'incarne sans aucun doute la plus grande crainte de George Lucas au moment de reprendre en main un bébé dont le succès lui a échappé, dans les années 70 et 80, au point de lui donner des envies de pause. Au vu des critiques à son encontre à la sortie des épisodes I, II et III, on ne pourra pas lui enlever son côté visionnaire, même si l'attente était peut-être trop grande. Sur ce plan comme sur l'aspect politique du récit.
L'histoire sans fin
Alors que l'épisode IV était une allégorie de la Guerre du Viêtnam, le II se termine par un envoi massif de clones aux quatre coins de la galaxie, moins d'un an avant que l'armée américaine n'envahisse à nouveau l'Irak, et le III acte la chute de la République vers la dictature, lorsque le Chancelier à sa tête dévoile son visage de tyran. Au vu de l'actualité, ce propos risque de résonner un peu plus fort et justifie également de (re)voir le film au cinéma, où il ressort le temps de quelques séances exceptionnelles pour fêter ses 20 ans.
Et ce sera aussi l'occasion de se rappeler qu'à l'époque, en 2005, La Revanche des Sith semblait marquer la fin de la saga Star Wars au cinéma. Qu'auraient pensé les spectateurs de l'époque, si on leur avait dit que, en 2025, nous fêterions les 10 ans de l'épisode VII alors que d'autres films sont d'ores et déjà prévues et que la franchise se développe également sur petit écran avec des séries en prises de vues réelles ?